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Vrai ou faux
Législatives 2024 : le président de la République peut-il nommer comme Premier ministre qui il veut ?
Les premières affiches de campagne commencent à fleurir. Le Rassemblement national vient de publier la sienne : le visage du président du parti, avec écrit en gros "Jordan Bardella, Premier ministre". Il y a deux ans, la Nupes, qui espérait aussi une cohabitation, avait publié une affiche "Elisez Jean-Luc Mélenchon". Pour Raquel Garrido, députée insoumise sortante de Seine-Saint-Denis, ce genre d'affiches mobilise. Mais elle reconnaît que c'est trompeur : "Tout le monde sait bien que les Premiers ministres ne sont pas élus, le président a le pouvoir de prendre un passant dans la rue s'il veut pour le mettre Premier ministre, c'est quand même le défaut de notre Constitution", a-t-elle dénoncé sur Public Sénat, mardi 11 juin. Le président de la République peut-il vraiment nommer qui il veut ? En cas de cohabitation, est-il obligé de nommer le chef du parti arrivé en tête aux législatives ?
Le président de la République a une complète liberté pour nommer le Premier ministre
C'est vrai qu'officiellement, le président de la République a une complète liberté pour nommer le Premier ministre. L'article 8 de la Constitution écrit simplement : "Le président de la République nomme le Premier ministre". Rien de plus n'est précisé. "Il n'y a rien dans la Constitution qui l'empêche de faire son choix, c'est un pouvoir propre", explique à franceinfo Anne-Charlène Bezzina, maîtresse de conférence en droit public à l'Université de Rouen.
Mais la France est un régime parlementaire, le gouvernement est "responsable devant le Parlement". Le gouvernement est donc une "émanation de la majorité parlementaire", précise Jean-François Kerléo, professeur de droit public à l'université d'Aix-Marseille. "C'est une coutume constitutionnelle millénaire, dans tous régimes parlementaires d'Europe, et du monde entier, on nomme le leader naturel de la majorité choisi dans les urnes", poursuit Anne-Charlène Bezzina.
En cas de cohabitation, il est admis qu'il nomme le leader du parti vainqueur
Quand le camp présidentiel obtient la majorité des sièges à l'Assemblée nationale, le chef de l'État choisit une figure qui fait consensus parmi ses troupes. Ce n'est pas nécessairement le président du parti présidentiel. Emmanuel Macron a par exemple nommé Édouard Philippe au poste de Premier ministre ou encore Élisabeth Borne.
Qu'en est-il lorsque l'opposition remporte la majorité lors des législatives ? Rien n'est imposé dans les textes, mais il est admis que le président de la République nomme le leader du parti qui l'a emporté. En 1986, lors de la toute première cohabitation de la Ve République, François Mitterrand avait nommé Jacques Chirac, président du RPR, le parti arrivé en tête aux élections législatives. Si le Rassemblement national l'emportait à l'issue des deux tours, le 7 juillet prochain, "on voit mal Macron ne pas nommer le leader du parti vainqueur", se projette Anne-Charlène Bezzina. "Si le RN dit que Jordan Bardella sera le Premier ministre, ce sera lui".
Si le président de la République ne respecte pas cette "coutume", il risque le blocage institutionnel et l'instabilité. Les députés d'opposition, qui ont la majorité, pourront voter une motion de censure, qui renverserait le gouvernement tout juste nommé, comme le prévoit l'article 49 de la Constitution. "Il faut prendre trois critères en compte : constitutionnels, institutionnels et pratiques", résume Jean-François Kerléo. "Si vous nommez Jean-Luc Mélenchon Premier ministre, alors que le RN est arrivé en tête des élections législatives, ce ne sera pas gouvernable", insiste-t-il. "Tous les textes seront bloqués s'il n'y a pas d'accord".
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