Vrai ou faux
L'État peut-il faire des économies en fusionnant des services publics ?

Dans L'Événement, jeudi, sur France 2, le Premier ministre Michel Barnier a dit vouloir notamment "fusionner des services publics" pour faire des économies de dépenses publiques.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une agence France travail (anciennement Pôle Emploi) en Vendée, (photo d'illustration, le 10 mars 2024. (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS)

C'est une annonce qui a fait beaucoup réagir. Le syndicat FSU dénonce de "la pure démagogie". Le Premier ministre, Michel Barnier, veut faire 40 milliards d'euros d'économies en baissant les dépenses publiques. Interviewé dans l'émission  L'Événement sur France 2, jeudi 3 octobre, il a listé quelques pistes pour faire des économies et a notamment dit vouloir "fusionner des services publics" et "sans doute ne pas remplacer tous les fonctionnaires". Mais fusionner des services publics permet-il vraiment de faire des économies ?

Des surcoûts les premières années après la fusion

Il n'y a aucune étude globale, neutre, absolue, qui permettrait de répondre par oui ou par non à cette question. En revanche, il est possible de faire le bilan de deux fusions de services publics récentes : la fusion de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique qui a donné naissance à la Direction générale des finances publiques en 2008, et la création, la même année, de Pôle emploi, après une fusion entre l'ANPE et les Assedic.

Dans un premier temps, il s'est passé exactement l'inverse de ce qu'espère le Premier ministre : il y a eu des surcoûts. Concernant Pôle emploi, ces surcoûts ont d'abord été estimés entre 350 et 500 millions d'euros par le Conseil d'analyse économique. Finalement, un rapport d'information du Sénat publié en 2011 note qu'il y a eu un surcoût de 500 millions d'euros. Selon le rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement des comptes pour 2010, ce surcoût est dû à l'acquisition d'une partie des biens mobiliers et immobiliers de l'Unédic (324 millions d'euros) et à l'impact de la nouvelle convention collective nationale sur la comptabilisation des engagements sociaux (188 millions d'euros). Les salaires d'une grande majorité des anciens de l'ANPE – qui avaient accepté la nouvelle convention collective – ont augmenté de 20% pour être mis au niveau de la rémunération des anciens des Assedic.

La fusion qui a donné naissance à la Direction générale des finances publiques a aussi entraîné des surcoûts liés à des avantages donnés aux salariés, selon un rapport de la Cour des comptes qui faisait le bilan de cette fusion dix ans plus tard, en 2018. Les premières années qui ont suivi, entre 2008 et 2012, la masse salariale a augmenté de 209 millions d'euros.

La DGFIP a réalisé des économies

Les années ont passé et nos deux exemples ont pris des trajectoires opposées. L'un a permis à l'État de faire des économies, l'autre non. La Direction générale des finances publiques est la bonne élève. Selon la Cour des comptes, elle a eu "un rythme d'économies soutenu". Elle a été "le principale contributrice aux économies réalisées par l'État en matière d'effectifs civils" entre sa création en 2008 et la publication du bilan de la cour en 2018. C'est principalement dû à la diminution de ses dépenses de fonctionnement et notamment à la baisse de ses effectifs avec 2 000 suppressions de postes par an en moyenne.

La Cour des comptes note que les deux directions qui ont été fusionnées pour créer la DGFIP avaient déjà commencé à réduire leurs effectifs et la fusion n'a pas accéléré leur rythme. Rien ne permet donc d'affirmer que ces économies réalisées grâce aux suppressions de postes sont uniquement le fruit de la fusion. Par ailleurs, la cour note que la masse salariale, qui représente ce que coûtent les salariés à la DGFIP en euros, a baissé moins vite que les effectifs entre 2009 et 2016. Autrement dit, la direction comptait moins de postes, mais ses salariés coûtaient plus cher.

Pôle emploi a coûté plus cher

Le cas de Pôle emploi est radicalement différent. D'abord, il faut rappeler que le but premier de la fusion de l'ANPE et des Assedic était de faciliter les démarches des demandeurs d'emploi, et non de réaliser des économies, même si l'État comptait aussi là-dessus. De fait, dix ans après la création de Pôle emploi, les subventions qu'il recevait de l'État et de l'Unédic avaient plutôt augmenté, selon un rapport de la Cour des comptes dressant un bilan du dispositif dix ans plus tard, en 2018. "Entre 2012 et 2018, les ressources de Pôle emploi ont augmenté de 609 millions d'euros, soit une hausse de 12,4%", note la cour. C'est principalement dû à la hausse de la contribution de l'Unédic. La subvention de l'État a aussi augmenté avant de connaître un recul en 2018, tout en restant plus importante en 2018 qu'en 2012.

Les dépenses de Pôle emploi ont été "en forte progression". Les dépenses de fonctionnement sont passées de 4,1 millions d'euros à 4,4 millions d'euros, toujours sur la période allant de 2012 à 2018, poussées notamment par l'augmentation des dépenses de personnel en raison des nombreux recrutement que Pôle emploi a dû réaliser pour faire face notamment la hausse du chômage au début des années 2010. Pôle emploi a aussi dû faire des dépenses pour financer des plans de formation.

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