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Najat Vallaud-Belkacem nous enfume-t-elle sur les prix du tabac ?

Alors que les buralistes organisent une journée d'action ce jeudi, le gouvernement peaufine son plan anti-tabac, qui devrait être présenté avant la fin du mois. Najat Vallaud-Belkacem confirme (sur RTL) qu'une hausse des prix du tabac est à l'étude, une hausse "symbolique" (de l'ordre de 6%) mais qui aura tout de même des effets sur la santé publique. La porte-parole du gouvernement dit-elle vrai ?
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Faux

Il n'y a aucun effet en matière de santé publique tant que la hausse du prix du tabac reste "symbolique". Les yeux rivés sur les courbes de prix et de consommation, le directeur de l'Office français de prévention du tabagisme (OFT) est formel : "A moins de 10 % d'augmentation à chaque fois, il n'y a aucune efficacité. Quand on augmente le prix du tabac d'au moins 10 %, on observe effectivement une baisse mécanique de 4 à 6 % de la consommation. Mais en-dessous de 10 % : rien", explique Joseph Osman.

Dans son argumentaire, Najat Vallaud-Belkacem cite en exemple une augmentation des prix sous la présidence Chirac, et qui avait conduit "près de deux millions de personnes" à arrêter de fumer.
Cette augmentation était-elle "symbolique" ?
Pas vraiment. Puisqu'en l'espace d'un an, entre 2003 et 2004, le prix du tabac avait augmenté de près de 40 % et la consommation avait chuté d'autant : 1,8 million de personnes avaient arrêté de fumer.

Consommation stable, recettes en hausse

Mais depuis 2004, la consommation de cigarettes a stagné. Et à coups de petites augmentations de prix indolores, les multinationales du tabac ont engrangé près de 600 millions d'euros supplémentaires.
Avec la mesure que le gouvernement s'apprête à prendre, elles toucheront 140 millions d'euros de plus, pour continuer à faire le même travail.

Mais l'industrie du tabac n'est pas la seule gagnante de ces augmentations de prix "symboliques" : Joseph Osman cite "les buralistes"  qui ont gagné plus d'un milliard d'euros supplémentaires depuis 2004, "l'industrie du médicament"  qui continuera à vendre ses substituts nicotiniques, "les autorités de santé" qui engrangeront quelques recettes fiscales supplémentaires etc. "Mais certainement pas ceux qui s'impliquent au quotidien dans l'aide à l'arrêt du tabac, comme les associations", conclut le directeur de l'OFT.

Plus riches, plus libres et en meilleure santé

Pour la bonne santé des finances publiques, l'Etat aurait
tout intérêt à ce que les Français se détournent de la cigarette. Si le tabac
rapporte chaque année 14 milliards d'euros de recettes fiscales, le tabagisme coûte 18 milliards (source : rapport Kopp repris dans le dossier d'Yves Bur remis au ministre de la Santé début 2012). La différence représente une bonne partie du trou annuel de la sécurité sociale (9,5 milliards en 2011, 5,9 milliards prévus en 2012).

L'OFT a calculé que chaque adulte français, fumeur ou non, pourrait avoir dans sa poche 1.000 euros de plus chaque année, si le tabac avait quitté le sol européen.
Mais face aux lobbys de l'industrie du tabac, santé et comptes
publics ne semblent pas faire le poids.

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