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Manuel Valls dit-il vrai sur les trafics démantelés à Marseille ?

Au lendemain d'un nouveau règlement de compte à Marseille — deux hommes connus des services de police abattus en plein jour dans une cité — le ministre de l'Intérieur affirme avoir déjà fait reculer le crime à Marseille. Manuel Valls revendique "des résultats, notamment des filières qui tombent, des trafics d'armes et de drogue qui sont démantelés." Vrai ou faux ?
Article rédigé par franceinfo
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VRAI.

Enfin, c'est vrai si l'on s'arrête aux chiffres bruts des affaires élucidées, communiqués par la préfecture de police de Marseille. Depuis le début de l'année, plus d'une tonne de cannabis saisie, 19 kilos de cocaïne, et une trentaine d'armes dont huit kalachnikov.

Mais ces chiffres, quels qu'ils soient, ne sont que l'addition d'une série d'actions des forces de police. Sans remise en perspective. Des chiffres qui ne parlent pas d'eux-mêmes, et qui ne disent rien de l'ampleur réelle de la délinquance et du crime organisés. Attention donc à ne pas les sur interpréter car ces chiffres ne sont souvent "que la petite partie émergée de l'iceberg [car] on ne sait pas à quelle réalité délinquante doivent être ramenés les résultats chiffrés de l'activité de la police [...] C'est nécessairement sur plusieurs années qu'on peut évaluer l'impact du travail sur les formes les plus organisées de la délinquance",  explique Laurent Mucchielli, directeur de l'Observatoire régional de la délinquance.

"Politique du crâne"

Il faudra du temps avant de pouvoir tirer un premier bilan de l'action de ce gouvernement, après des années de démission lente de la morale publique dans ces quartiers de misère et de trafic,
Une temporalité radicalement différente du temps politico-médiatique.
Ce qui explique sans doute pourquoi Manuel Valls semble vouloir tourner le dos à la politique "d'attrape-tout" des années Sarkozy-Guéant, politique du chiffre, "politique du crâne", comme disent les policiers marseillais.

En attendant, un autre indicateur, plus qualitatif, montre que les temps changent : c'est l'état d'esprit dans lequel policiers et magistrats marseillais travaillent désormais. Laurent Mucchielli le sait bien, lui qui recueille régulièrement leurs confidences dans le cadre de ses recherches pour le CNRS. "Même si la pression du
chiffre n'a absolument pas disparu — il faut se garder de toute naïveté à ce
niveau-là, il y a une reconnaissance et une attention au travail de fond
supérieure"
aux années Sarkozy durant lesquelles "la culture
du chiffre écrasait tout",
explique Laurent Mucchielli, "Là on
a la reconnaissance qu'une action efficace et durable ne peut se mener que dans
la durée",
poursuit le chercheur.

Pour venir à bout de cette
gangrène, il faudra du cran, du courage mais aussi des années, durant
lesquelles politiques et journalistes devront apprendre à se passer de chiffres.

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