Les maires ont-ils le droit de réserver leurs piscines publiques uniquement aux résidents de leurs villes ?
Certains affirment que des maires réservent l'accès des bassins publics aux seuls résidents de leur commune pour cet été. C'est légal... à plusieurs conditions.
Puteaux, Asnières, Rueil-Malmaison, Neuilly-sur-Seine... Dans ces villes des Hauts-de-Seine, l'accès aux piscines a été spécifiquement réglementé pour l'été. Seuls les résidents de la commune ont le droit d'accéder aux bassins, bien souvent sur présentation d'un justificatif de domicile. Dans certaines de ces communes la restriction est en place pour tout l'été, dans d'autres, seulement quand le thermomètre dépasse une certaine température.
Motifs "légitimes"
A Puteaux, par exemple, l'arrêté municipal pris au début de l'année dresse toute une liste de motifs. "En période de fortes chaleurs, et pendant la saison estivale, le site de l'Ile de Puteaux fait l'objet d'une forte affluence, occasionnant de nombreuses incivilités", explique l'arrêté du maire. Il y a "des atteintes aux biens et aux personnes" qui "empêchent l'accès des usagers" à la piscine et qui mobilisent les forces de l'ordre. Tout cela implique pour la mairie que l'accès soit réglementé dès que la température dépasse les 25 degrés, et pendant tout l'été.
En résumé, la ville estime qu'elle a des motifs "légitimes" qui sont "la sécurité des usagers et le bon fonctionnement du service public". Contactée, la mairie de Rueil-Malmaison est sûre de la légalité de son dispositif, arguant que la piscine n'est "pas un service public obligatoire", que "d'autres villes voisines ont appliqué la même mesure" et que "le préfet n'a pas retoqué les arrêtés". Si les communes semblent sûres d'elles, des avocats spécialistes en droit public sont plus prudents.
Légal... à plusieurs conditions
Il existe bien une jurisprudence concernant l'application de tarifs différentiels à l'entrée des piscines. La justice a validé le principe de faire payer plus cher l'entrée des non-résidents. Toutefois, pour ce qui est d'empêcher complètement certaines personnes de profiter de ce service public, Me Louis le Foyer de Costil, avocat spécialiste en droit public, estime que ce serait légal seulement à certaines conditions. "Le règlement doit être basé sur un critère objectif et avoir un lien direct avec l'objet du service", explique l'avocat. Concrètement, "une mairie ne pourrait pas interdire à quelqu'un d'accéder à la piscine simplement parce qu'il est chômeur, ce serait clairement discriminatoire", poursuit-il.
Si la ville parvient à justifier que cette nouvelle règle est nécessaire pour maintenir l'offre de ce service public, alors un juge pourrait l'entendre, estime Me de Costil. L'argument d'une fermeture "uniquement pendant la canicule", ne lui parait toutefois pas être forcément le bon. Si une municipalité restreint l'accès à sa piscine en période de canicule alors que les villes alentours n'en ont pas, alors au nom de "l'impératif de santé", un juge pourrait bien s'y opposer prévient l'avocat.
Une autre avocate, estime pour sa part que "la question de l'atteinte au principe d'égalité se pose" en attirant l'attention sur le critère de résidence qui lui apparait "fragile". Me Agathe Delescluse rappelle que le Conseil d'Etat a déjà jugé une affaire portant sur la restriction de l'accès à une école de musique. "Dans l’affaire 'Commune de Dreux', le Conseil d’Etat a relevé que le lien particulier pouvait aussi résulter de ce que les usagers (ou leurs parents) travaillaient sur le territoire communal ou y étaient scolarisés", explique-t-elle. "En somme, le Conseil d'Etat, tout en admettant le principe d'une discrimination lors de l'accès, fondée sur l'appartenance territoriale, a rejeté le seul critère du domicile pour retenir 'le lien suffisant avec la commune''".
D'après l'avocate, "un critère tiré du lien avec la commune est donc légal mais ne peut être réduit aux seuls résidents". Même s'il est "compréhensible que des communes tentent de fixer des critères lorsque la demande est plus importante que les capacités d'accueil", l'avocate estime que "d’autres règles pourraient également être fixées comme un accès d’une durée limitée aux bassins par exemple, afin de permettre au plus grand nombre d’en bénéficier".
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