Le vrai du faux. Réforme des retraites : y a-t-il deux fois plus de retraités pauvres en Allemagne qu'en France, comme l'affirme Manuel Bompard ?
Le député La France Insoumise Manuel Bompard était l'invité du "8h30 franceinfo", mardi 21 mars. Il a expliqué qu'il ne voulait pas que le système de retraites français ressemble à l'allemand.
Le système de retraites allemand est souvent cité en exemple par les personnes favorables à la réforme des retraites du gouvernement français. Exemple d'un pays où l'âge légal de départ à la retraite est de 65 ans et sera progressivement repoussé à 67 ans d'ici la fin de la décennie. Mais l'Allemagne est loin d'être un modèle à suivre aux yeux de Manuel Bompard, député La France insoumise des Bouches-du-Rhône.
"En Allemagne, l'âge de départ à la retraite est plus important qu'en France, mais le taux de retraités pauvres est deux fois plus important qu'en France. Ce n'est pas forcément un modèle qu'on a envie de décliner ici", a-t-il asséné pendant le 8h30 de franceinfo mardi 21 mars. Et ses chiffres sont les bons.
19,4 % de retraités allemands sous le seuil de pauvreté
Eurostat, la direction générale de la Commission européenne chargée de l'information statistique, publie chaque année le "taux de risque de pauvreté des retraités en Europe", couramment raccourci à "taux de pauvreté des retraités". Il montre la proportion de retraités qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire qu'ils touchent chaque année moins de 60% du revenu médian dans leur pays, après le versement de leurs aides éventuelles.
Selon les derniers chiffres, qui datent de 2021, 19,4% des Allemands de 65 ans et plus vivent sous le seuil de pauvreté, soit 3,3 millions de personnes, contre 10,9 % des Français de la même tranche d'âge, soit 1,5 million de personnes. Il y a donc bien environ deux fois plus de retraités pauvres outre-Rhin. Même si ces chiffres ne prennent pas en compte tous les retraités des deux pays. En France, l'âge légal de départ est actuellement de 62 ans – la réforme des retraites veut le repousser à 64 ans – et certains peuvent partir à la retraite encore avant. En Allemagne, il est possible de partir dès 63 ans à condition d'avoir versé des cotisations à la caisse de retraite pendant 35 ans.
Notons qu'il est plus pertinent de comparer des pourcentages que des euros – les seuils de pauvreté sont établis à 1 160 euros par mois en Allemagne et 1 000 euros en France selon Eurostat (2021) – car les euros ne prennent pas en compte les différents coûts de la vie de chaque côté du Rhin.
Pensions basses et mini-jobs
Plusieurs raisons expliquent le taux de pauvreté des retraités allemands, à commencer par le niveau des pensions. Un retraité allemand ne touche que la moitié du salaire qu'il avait avant (52,9 %), alors qu'un retraité français en perçoit les trois quarts (74,4 %), selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2021).
C'est aussi dû au fait que les pensions allemandes ne sont pas indexées sur l'inflation et au développement des mini-jobs ces 20 dernières années en Allemagne, des emplois à temps partiels avec de faibles salaires et très peu de cotisations sociales. Par ailleurs, l'Allemagne n'a créé un minimum vieillesse qu'en 2021, mais, comme en France, il est fixé sous le seuil de pauvreté.
Résultat, beaucoup de retraités allemands travaillent. 17,2 % des Allemands qui avaient entre 65 ans et 69 ans travaillaient en 2021, contre 8,6 % des Français du même âge (Eurostat 2021). La même année, 7,7% des Allemands qui avaient entre 70 ans et 74 ans travaillaient contre 2,6 % des Français du même âge. Et toujours 1,9 % des Allemands de plus de 75 ans continuaient de travailler contre 0,5 % des Français.
16,8 % de retraités pauvres dans l'Union européenne
Dans l'Union européenne, le taux de pauvreté des retraités est de 16,8 % en moyenne. La France se situe donc bien en dessous, contrairement à l'Allemagne. La France est le quatrième pays le mieux loti en Europe, après le Luxembourg (9,1 %), la Slovaquie (10,3 %) et la République tchèque (10,5 %).
La situation est en revanche assez critique dans les pays baltes. 35,9 % des retraités sont menacés de pauvreté en Lituanie, 40,6 % en Estonie et 44,6 % en Lettonie. Le taux se trouve aussi au-dessus des 30 % en Bulgarie et en Croatie.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.