Le vrai du faux. "Les ouvriers ont sept ans d'espérance de vie en moins qu'un cadre du fait de leurs conditions de travail" ?
L'ancienne ministre et porte-parole du candidat Benoît Hamon dénonce le projet de suppression du compte pénibilité proposé par François Fillon. Et notamment parce que les conditions de travail des ouvriers expliquent un écart de sept ans d'espérance de vie avec les ouvriers.
Invitée de la chaîne LCP mardi 14 mars, Aurélie Filippetti affirme ceci :
"On sait aujourd'hui qu'entre un ouvrier et un cadre, il y a sept ans d'espérance de vie en raison des conditions de travail."
Sept ans d'espérance de vie en moins pour les cadres ?
Vrai.
Dans une étude publiée l'an dernier, l'Insee explique qu'à 35 ans, un cadre a une espérance de vie de 49 ans, contre 42,6 pour un ouvrier. L'écart est donc de 6,4 ans d'après l'Institut public des statistiques, soit a peu près le chiffre qu'avance Aurélie Filippetti.
Il faut préciser que cette différence vaut pour les hommes. L'écart entre femmes ouvrières et cadres est un peu plus réduit : 3,2 années en faveur des secondes. Ceci dit, que ce soit pour les hommes ou les femmes, il existe bien un écart significatif d'éspérance de vie à 35 ans selon la catégorie sociale.
Un écart lié aux conditions de travail ?
Plutôt vrai.
Comme le précise l'Insee, "les natures mêmes des professions exercées expliquent en partie ces écarts. En effet, les cadres sont moins soumis aux risques professionnels (accidents, maladies, expositions à des produits toxiques …) que les ouvriers".
Ainsi, d'après les derniers éléments du ministère du Travail, plus de 60% des accidents du travail reconnus concernent des ouvriers contre un peu plus de 2% pour les cadres. Par ailleurs, les ouvriers représentent les deux tiers des salariés exposés à au moins un cancérogène chimique, selon une autre étude ministèrielle.
Renoncement aux soins et comportements à risque
Mais les conditions de travail stricto sensu n'expliquent pas l'intégralité de cet écart d'espérance de vie.
L'Insee exlique que les cadres "appartiennent à un groupe social dont les modes de vie sont favorables à une bonne santé : les comportements de santé à risque, les moindres recours et accès aux soins, ou encore l’obésité sont moins fréquents chez les cadres que chez les ouvriers."
De fait, d'après la Drees, les ouvriers représentent la deuxième catégorie socio-professionnelle a renoncer à des soins pour raisons financières, derrière les employés, et loin devant les cadres.
Sur l'obésité, la dernière enquête Obépi, la prévalence chez les ouvriers était de 16,7% en 2012 contre 8,7% pour les cadres supérieurs et les professions libérales.
Par ailleurs, les ouvriers fument deux fois plus que les cadres, selon les dernières données de l'Inpes. D'après la dernière enquête sur les dépenses des familles de l'Insee (2011), le poste "Boissons alcoolisées et tabac" est le seul pour lequel les ménages d'ouvriers dépensent un peu plus que les ménages de cadres. Une différence qui s'explique essentiellement par les achats de tabac et de spiritueux.
Disparités selon la catégorie sociale... mais pas seulement
Le statut face à l'emploi et les inégalités économiques pèsent donc clairement sur les comportements de santé. Mais dans son étude sur les écarts d'espérance de vie à 35 ans, l'Insee note que "les ouvrières vivent en moyenne presque un an de plus que les hommes cadres".
Pourtant, les ouvrières ont des revenus inférieurs et sont plus exposés à la pénibilité au travail que les cadres. Mais l'Insee explique que certains comportements sont plus favorables aux ouvrières : "les ouvrières consomment par exemple moins d’alcool que les hommes cadres à tout âge. De plus, elles bénéficient d’un meilleur suivi médical, en particulier pendant la vie féconde".
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