Le vrai du faux. Les étrangers sont-ils "surreprésentés" parmi les créateurs d'entreprises en France ?
C'est un discours qui vient contrer le petit air ambiant opposé à l'immigration ou pour sa régulation. Interviewé sur franceinfo lundi 12 juin, Benoît Hamon, ancien candidat à la présidentielle de 2017 et à présent maintenant directeur général de l'ONG Singa, qui aide les réfugiés et les migrants à s'insérer dans la société via le travail, a assuré que "7,7% de la population en France est étrangère, sur tous les créateurs d'entreprises, 15% sont étrangers. Il y a donc une surreprésentation des étrangers dans la création d'entreprise". Une façon pour lui de démontrer que l'immigration apporte beaucoup à la France. Alors, vrai ou faux ?
Immigration : "Il y a une tradition en France qui date de la IIIe République, selon laquelle, la rencontre avec l’étranger doit amener à ce que la France reste intacte. C’est l’assimilationnisme", "regrette", le DG de l’ONG Singa, Benoît Hamon, qui défend "l’inclusion". pic.twitter.com/y09erzVr7L
— franceinfo (@franceinfo) June 12, 2023
Les étrangers proportionnellement plus nombreux parmi les créateurs d'entreprises
Benoît Hamon dit vrai sur le fond : il y a en effet plus d'étrangers parmi les créateurs d'entreprises en France qu'il n'y en a parmi la population globale (7,7% selon l'Insee), ils sont donc bien surreprésentés. Néanmoins, le chiffre de 15% qu'il avance peut être nuancé.
Il provient d'une étude de Legalstart, un site internet qui aide les futurs entrepreneurs en matière juridique et administrative en France et depuis ce mois de mai au Maroc, via le site Legafrik, déjà présent en Côte d'Ivoire, au Bénin, au Sénégal et au Burkina Faso. Dans son antenne française, le site avait aidé 200 000 nouveaux entrepreneurs entre sa création en 2014 et 2021.
Il avait alors décidé de faire ses propres statistiques pour que le dynamisme entrepreneurial des étrangers soit inclus dans les débats sur l'immigration et il apparaissait que 15% des créateurs d'entreprises qui étaient passés par Legalstart étaient de nationalité étrangère, comme le rapporte le site Entreprendre , surtout algériens, marocains, tunisiens, portugais puis italiens, et se lançaient dans les secteurs des transports, de la vente, du BTP ou d'Internet. Contacté par franceinfo, Legalstart a mis à jour ses données pour inclure les années 2022 et 2023. Le site a, à présent, aidé 350 000 entrepreneurs et 14% d'entre eux étaient de nationalité étrangère. Le chiffre est donc assez stable.
Néanmoins, d'aucuns pourraient argumenter que, selon Legalstart, seulement un créateur d'entreprise sur dix lui demande de l'aide, ses estimations ne permettent donc pas une vision globale.
Environ 10% selon l'Insee
Il existe en réalité un autre indicateur, caché dans les bases de données discrètes de l'Insee. En analysant les données sur les profils des créateurs d'entreprises, on constate que près de 10% d'entre eux (9,8% exactement) étaient de nationalité étrangère en 2018 en France (dernière année disponible). Plus de la moitié de ces créateurs d'entreprises étrangers venant d'en dehors de l'Union européenne. Ce chiffre est en légère augmentation puisqu'il s'élevait à 9,4% en 2014 et 8,6% en 2010. Les chiffres de l'Insee confirment donc que, proportionnellement, les étrangers sont surreprésentés parmi les créateurs d'entreprises.
Pour avoir une vision plus large de la place des personnes issues de l'immigration dans le monde de l'entreprise, il est bon d'ajouter d'autres indicateurs qui ne parlent plus de ceux qui ont créé une entreprise dans telle ou telle année, mais de ceux qui en dirigent une au quotidien, année après année. Selon l'Insee, 8,2% des artisans, des commerçants et des chefs d'entreprises sont de nationalité étrangère en France et 4,6% sont aussi issus de l'iimmigration, maisont obtenu la nationalité française.
La Dares, le service de statistiques du ministère du Travail, note d'ailleurs dans son rapport sur les métiers de l'immigration que "les immigrés exercent plus souvent une activité indépendante, d'artisan, commerçant, ou encore de chef d'entreprise" que les personnes non-immigrées. Autrement dit, 8% des immigrés (étrangers ou non) dirigent une entreprise contre 6% des Français qui ne sont pas directement immigrés.
Effets positifs sur l'économie française
Le Musée de l'histoire de l'immigration explique sur son site internet que cela fait longtemps que les étrangers créent des entreprises en France. Dans les années 1920, 15% des entreprises parisiennes avaient été créées par des étrangers. On retrouve également des chiffres aux alentours des 10% dans d'anciens rapports de l'ex-ministère de l'Immigration du début des années 2000.
Dans un article sur son site internet, le musée explique que les étrangers n'arrivent souvent pas à monter les échelons dans le monde du travail, qu'ils sont cantonnés aux postes d'ouvriers, d'exécutants et que, par conséquence, l'entrepreneuriat apparaît comme une façon pour eux de faire progresser leur carrière et de grimper l'échelle sociale.
Ce dynamisme entrepreneurial des étrangers est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses études estiment que l'immigration a des effets positifs sur l'économie française, comme l'explique Ekrame Boubtane, maîtresse de conférences de l'Université Clermont Auvergne au Cerdi, sur le site Vie publique, ou encore comme le souligne le professeur à Mines Paris-PSL Philippe Mustar dans une tribune dans le journal Le Monde en novembre 2022.
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