Le vrai du fake. Le procès d'un réfugié syrien en Suède et la double peine malmenée en France
Vrai ou fake ? Marie Colmant et Antoine Krempf passent au crible deux infos repérées sur le web et les réseaux sociaux.
Le vrai : le procès peu banal d’un réfugié syrien
Cet homme de 32 ans est arrivé en Suède, il y a deux ans, dans le flot des réfugiés qui fuyaient une région en guerre. Avec le temps, Mohammad Abdullah s’est installé dans le pays d'accueil. Il est parvenu à reprendre contact avec sa famille via sa page Facebook. Sur son mur, figurent alors des photos d’avant la guerre, mais aussi des clichés pendant la guerre. Sur l’une de ces images, on le voit dans ce qui ressemble à une cellule, écraser une grosse chaussure sur la tête d’un homme mort, étendu au milieu d’une dizaine d’autres corps. Fait aggravant, Mohammad Abdullah sourit. Très vite, les activistes syriens réfugiés en Suède repèrent la photo et alertent les autorités suédoises sur la présence de ce soldat de l’armée régulière de Bachar Al-Assad, réputé pour avoir commis des crimes de guerre. Sauf qu'il n'y aucune preuve, à l’exception de cette photo qui ne dit même pas qu’il est responsable de ces morts, répondent les autorités suédoises au comité syrien des droits de l’Homme installé en Suède.
Ce comité, réclamant l’arrestation de Mohammad Abdullah, s’organise, prend des avocats suédois et parvient à le faire arrêter. Dans un premier temps, Mohammad Abdullah se défend : "J’étais médecin dans l’armée syrienne, je n’ai jamais fait usage de mon arme." Il est libéré, mais les réfugiés syriens, révoltés par cette imposture, ne lâchent pas l’affaire et rassemblent les preuves sur le degré d’implication de Mohammad Abdullah. De nouveau, il est arrêté. Il change alors de version. Cette fois, il raconte qu’on lui a donné l’ordre de prendre la pose et que les morts sont des combattants de Daesh. C’est à ce moment-là que les membres du comité ont commencé à recevoir des menaces de mort au bureau, à la maison, comme si le régime pouvait les atteindre jusqu’en Suède. Néanmoins, ils persévèrent et parviennent à faire arrêter Mohammad Abdullah.
La troisième arrestation sera la bonne. Lundi dernier, l’ancien soldat a été condamné à huit mois de prison ferme pour avoir dégradé la dignité des hommes morts qui gisaient à ses pieds. L’un des avocats des activistes syriens a déclaré que ce procès, qui n’est pas une première, envoie le message que la communauté internationale n’est pas insensible aux crimes qui ont été commis.
Le fake : sur la double peine
On entend beaucoup de choses depuis l'attaque meurtière devant la gare Saint-Charles de Marseille, notamment sur le fait que l'auteur n'a pas été expulsé du territoire alors qu'il était en situation irrégulière. Mercredi, sur CNews, le maire Front national de Fréjus, David Rachline a déclaré : "Le minimum, c'est de faire en sorte par exemple de rétablir la double peine. Parce que si la double peine n'avait pas été supprimée par Monsieur Sarkozy en son temps et ses amis, le clandestin n'aurait pas été là, à Marseille. Il aurait dû être expulsé."
Qu'est ce qui ne va pas dans cette déclaration ?
Contrairement à ce que dit David Rachline, la double peine n'a pas été supprimée en France. Elle existe toujours. Pour rappel : lorsqu'un immigré en situation irrégulière commet un crime ou un délit, il peut être expulsé du territoire français, en plus de sa condamnation. C'est l'article 131-30 du Code pénal. Nicolas Sarkozy n'a donc pas supprimé la double peine, mais il l'a modifiée lorsqu'il était ministre de l'Intérieur en 2003. Depuis, on ne peut plus l'appliquer pour les étrangers qui vivent en France depuis l'âge de 13 ans ou ceux qui sont ici depuis plus de 20 ans, ou ceux qui doivent s'occuper d'un enfant français.
Par ailleurs, la double peine s'applique surtout pour les violences graves, les vols avec violence, les meurtres, les viols, les affaires de drogue ou encore les actes de terrorisme. D'après les derniers chiffres du ministère de la Justice, un peu plus de 1 900 étrangers ont été interdits de territoire, après avoir purgé leur peine en 2015.
David Rachline a-t-il raison de dire qu'avec cette double peine, l'auteur de l'attaque au couteau de Marseille aurait dû être expulsé ?
Non, en tout cas pas au titre de cette double peine. Et Voilà pourquoi à partir de ce qu'a déclaré le procureur de Paris François Molins sur Ahmed Hanachi, l'auteur de la tuerie de Marseille. "L'agresseur a rapidement été identifié. Cette identité, ainsi que les différents alias utilisés sont inconnus des services spécialisés antiterroristes. De même, aucune condamnation ne figure à ce jour sur son casier judiciaire." Sans condamnation, pas de double peine possible.
Cela dit, le tueur de Marseille aurait pu faire l'objet d'une expulsion administrative, ce qui n'a pas été fait et ce qui peut effectivement poser question. Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs annoncé l'ouverture d'une enquête pour savoir ce qui s'est passé. Mais en l'occurrence, l’argument de David Rachline sur la double peine ne tient pas.
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