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La "woke culture" est-elle à l'origine de la suppression du grec et du latin dans les universités américaines ?

Un article paru dans "Le Figaro" explique que l’université de Princeton, aux États-Unis, a supprimé l’obligation d’apprendre le grec et le latin. La “woke culture" en serait à l'origine, dénoncant l'esclavagisme et le racisme des sociétés antiques. C’est plus compliqué que ça.

Article rédigé par franceinfo - Nina Droff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Whig Hall de l'université de Princeton (New Jersey), aux États-Unis. (OLIVER MORRIS / GETTY IMAGES)

Selon un article du Figaro publié le 24 juin , les universités américaines chercheraient à "chasser le grec et le latin" de leurs cursus, sous prétexte que les sociétés antiques étaient "esclavagistes et racistes". L'article a suscité beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux. Il vise essentiellement l’université américaine de Princeton qui a récemment décidé que "le grec et le latin ne seraient plus obligatoires en lettres classiques". L’article explique que cette décision est liée à "la pression du courant ‘woke’, réduisant la culture antique à une société esclavagiste et raciste". Cependant cette affirmation est un raccourci.

Il est vrai que l'université de Princeton a décidé de ne plus rendre obligatoire les enseignements de langues anciennes pour les étudiants du cursus dit "classique". Cela a notamment été expliqué dans la revue des anciens élèves, Princeton Alumni News: "Le parcours classique, qui exigeait un niveau intermédiaire en grec ou en latin pour l’intégrer, a été supprimé, tout comme l’obligation de suivre des cours de grec ou de latin."

Supprimer les barrières à l’entrée de la licence

Cette décision fait partie d’une série de mesures prises par l'université de Princeton visant à rendre les différents enseignements plus inclusifs et flexibles. Un communiqué de l’université rappelle que "les étudiants sont toujours encouragés à suivre l’un de ces deux langages si cela est cohérent avec leur intérêt dans le cursus. Nous pensons qu'une approche basée sur l’inclusion et la persuasion sera plus efficace pour encourager l’apprentissage de ces langages, qu’une approche basée sur l’obligation."

La raison de ce changement dans l’enseignement des langues anciennes n’est pas le racisme ou l'esclavagisme dans les sociétés grecques et romaines. Dans son communiqué, l'université explique vouloir supprimer les barrières à l’entrée du cursus, comme l’obligation d’avoir un niveau médian en grec ou en latin, afin de diminuer les disparités d’accès entre les étudiants: "Nous pensons qu’avoir dans notre département des gens qui n’ont pas suivie d'enseignements classiques au lycée et qui n’ont pas eu d'initiation au grec ou au latin en fera une communauté intellectuelle plus vivante", explique Josh Billings, directeur des licences et professeur du département classique de Princeton. L’idée est donc bien d’inclure davantage d’élèves avec des profils plus divers dans ce cursus et non de limiter l'enseignement du grec et du latin: "Nous n’avons pas réduit notre enseignement des langues anciennes et ne comptons pas le faire." confirme l’université.

Une réflexion sur l’enseignement de la culture antique

Cependant, il y a bien une réflexion menée sur l'inclusivité et le "racisme systémique" dans l'université de Princeton. "Ces derniers mois, la crise sanitaire et les horribles incidents de violences racistes, surtout contre les personnes noires, ont mis en lumière les inégalités systémiques de notre société. Ces tragédies nous obligent à réaffirmer notre engagement pour la diversité et l’équité dans nos domaines." explique la direction dans la rubrique "Diversité et équité" du site de l'université.

Dans ses engagements, l'université affirme vouloir "articuler une vision claire, moderne et inclusive des disciplines". Cela concerne notamment l'enseignement de la culture antique: "Là où les sociétés grecques et latines étaient enseignées comme des cultures exemplaires, les étudiants du cursus classique (...) portent maintenant attention à la thématique de l’inclusion." Les universitaires de Princeton mènent en fait une réflexion sur la façon d'enseigner les différentes matières, afin d’éviter les biais culturels. Mais cela n’est pas directement en lien avec la décision de supprimer l’obligation d’étudier les langues anciennes dans le cursus classique.

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