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Vrai ou faux
Giorgia Meloni et Victor Orban sont-ils les premiers à régulariser des travailleurs sans-papiers, comme le dit Agnès Pannier-Runacher ?

La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a rappelé vendredi 16 septembre que, derrière leurs discours anti-immigration, l'Italie et la Hongrie avaient de plus en plus recours à des travailleurs étrangers pour pallier la pénurie de main d'œuvre dans certains métiers.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Giorgia Meloni et Viktor Orban, à Budapest, le 14 septembre 2023 (VIVIEN CHER BENKO / HANDOUT / MAXPPP)

Cette mi-septembre 2023, des milliers de migrants sont arrivés sur l'île de Lampedusa, en Italie, relançant les débats sur l'accueil des étrangers dans les pays européens. Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, a appelé Emmanuel Macron à s'engager à ne pas accueillir "un seul migrant"

En réponse, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a voulu mettre l'extrême-droite européenne face à ses contradictions et à une certaine hypocrisie qui consiste, selon elle, à tenir des discours anti-immigration tout en profitant de la main d'œuvre que représentent les immigrés. Elle prend les exemples italien et hongrois : "Vous savez que Madame Meloni est la première à parler de régularisation de sans papier. Monsieur Orban, qui est pourtant le grand défenseur, l'allié de Madame Le Pen est le premier à régulariser des sans-papiers", a-t-elle déclaré vendredi 16 septembre sur Europe 1. Vrai ou faux ?

Des travailleurs étrangers contre la pénurie de main d'œuvre 

La présidente du conseil italien Giorgia Meloni et le Premier ministre hongrois Victor Orban ne sont peut-être pas exactement "les premiers" à régulariser des sans-papiers pour utiliser leur force de travail. Il n'existe pas de comparaison européenne des régularisations pour ce motif, à la connaissance de franceinfo.

Néanmoins, il est vrai que les deux pays, aussi bien l'Italie que la Hongrie, ont de plus en plus recours à de la main d'œuvre étrangère extra-européenne pour pallier la pénurie de travailleurs dans certains domaines, ce que l'on appelle en France des "métiers en tension". Et ce, malgré les discours fermes et anti-immigration des dirigeants des deux pays.

Près de 123 000 travailleurs étrangers en Italie

Dans un décret signé par Giorgia Meloni en décembre 2022 et publié dans la Gazzetta Aufficiale – le Journal officiel italien – en janvier 2023, Rome prévoyait d'accorder 82 705 permis de travail à des étrangers pour travailler pendant l'année. Soit environ 13 000 de plus que pour l'année précédente, quand le décret avait été signé par son prédécesseur Mario Draghi. 

La présidente du conseil italien a même signé un nouveau décret, publié en juillet 2023, pour augmenter le nombre de permis de travail réservés aux étrangers. Il est passé à 122 705.

Le décret de janvier fixe à la fois des quotas de contrats (saisonniers ou non), les types de métiers pouvant en bénéficier (le transport de marchandise, la construction, le tourisme-hôtellerie, la mécanique, les télécommunications, les industries alimentaires et la construction navale) et le pays d'origine des travailleurs pouvant en bénéficier (Albanie, Algérie, Bangladesh, Bosnie-Herzégovine, Corée du Sud, Côte d'Ivoire, Egypte, El Salvador, Ethiopie, Philippines, Gambie, Géorgie, Ghana, Japon, Guatemala, Inde, Kosovo, Mali, Maroc, Maurice, Moldavie, Monténégro, Niger, Nigeria, Pakistan, Pérou, République de Macédoine du Nord, Sénégal, Serbie, Sri Lanka, Soudan, Tunisie et Ukraine).

Le double discours de l'Italie face aux migrants se résume par deux déclarations de son ministre de l'Agriculture Francesco Lollobrigida. En février 2023, il assurait que l'Italie allait "s'efforcer de faire entrer dans le pays environ 500 000 migrants légaux", selon l'agence de presse italienne Ansa. Deux mois plus tard, en avril, il faisait scandale en mettant en garde contre "le remplacement ethnique" des Italiens par les migrants, comme le rapporte l'AFP, l'agence de presse française.

14% de travailleurs étrangers en plus en Hongrie

C'est un peu la même chose en Hongrie, où l'immigration choisie a néanmoins des critères encore plus restrictifs. Sont acceptés les travailleurs extra-européens en provenance principalement d'Asie et d'Amérique du Sud, mais pas d'Afrique subsaharienne ni du Maghreb. 

Dans le pays, le recours aux travailleurs étrangers s'est normalisé après l'arrivée du Covid-19 en 2020. L'année suivante, le Premier ministre hongrois Victor Orban a signé un décret pour permettre aux étrangers venant de certains pays d'obtenir un visa de travail de deux ans en quelques semaines seulement. Résultat : le nombre de travailleurs étrangers extra-européens a augmenté de 14% en un an entre 2021 et 2022, selon l'Institut national de statistique hongrois cité par Le Monde

Et les règles vont encore s'assouplir en novembre prochain avec l'application d'une loi adoptée l'été dernier. Elle entérine la création du statut de "travailleurs invités" pour la main d'œuvre étrangère. Un statut qui s'obtient plus facilement, sans avoir besoin d'un avis officiel des autorités, mais qui donne aussi accès à moins de droits.

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