Djihad : "90% des individus se radicalisent en prison et sur le net"
Qu’est-ce qui conduit de jeunes Français à rejoindre les rangs des djihadistes ? Cette question revient régulièrement, et les politiques d’avancer tout aussi régulièrement des réponses. Dernière en date, Rachida Dati lundi matin sur France Info. L’ancienne Garde des Sceaux a expliqué qu’il y avait, selon elle, deux raisons majeures qui poussent les jeunes à se radicaliser : “Pour 90%, c'est la prison et le net ". Et la maire Les Républicains du 7e arrondissement de Paris d'ajouter : "Vous avez vu les individus, les profils ? Tous étaient passés par la prison, à l’exception de certains recruteurs. Donc le boulot doit être fait là-dessus. A 90% de la radicalisation se passe en prison. Mettons les moyens en prison ! “
Cette addition entre radicalisation en prison et sur internet n’a pas grand sens et le chiffre avancé est faux. Il est en fait très compliqué d'avoir des chiffres précis sur le taux de radicalisation en prison, d'autant qu'on ne connaît pas le profil de tous les Français ou résidents français partis faire le djihad. On rappelle qu’ils sont 1783 recensés par le gouvernement, dont 582 actuellement en Irak ou en Syrie et 243 en transit pour se rendre dans l'un de ces deux pays.
220 islamistes radicaux incarcérés
Ce qu’on connaît en revanche, ce sont les chiffres officiels du ministère de la Justice. Ils concernent les islamistes radicaux emprisonnés en France : ils sont à ce jour 220 pour des faits liés au terrorisme. Parmi eux, 15% avaient déjà été écroués auparavant, précise le ministère, et pourraient donc s'être radicalisés en prison.
Et puis quand Rachida Dati parle d’individus radicalisés “tous passés en prison ”, c’est encore faux. Said Kouachi par exemple, auteur avec son frère de l’attentat contre Charlie Hebdo, n’avait jamais été incarcéré avant les faits.
Radicalisation sur internet ?
Il y a bien un chiffre qui parle de 90% de radicalisation sur internet. Il vient d’une étude du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, l’avait déjà citée en février 2015 en déclarant que “90% des terroristes basculaient par Internet ”. Mais c’est un chiffre à prendre avec précaution car il ne repose que sur des entretiens réalisés avec 160 familles de personnes radicalisées. C’est une base trop faible pour être représentative, rappelait à juste titre Libération en février dernier. Internet est en fait un instrument, tout comme le téléphone portable ou une voiture mais pas une cause majeure de radicalisation.
Les raisons poussant à la radicalisation sont connues, mais évidemment très difficiles à chiffrer. C’est une addition de causes : internet, mosquées extrémistes, prison. Mais la principale, selon Fahrad Khosrokhavar, directeur de recherche à l’EHESS et spécialiste de la question, c’est l’entourage, les relations directes, la famille, les proches. Comme pour les auteurs des attentats de 2015 en France, qui étaient pour certains issus de fratries : les Kouachi contre Charlie, ou les Abdeslam à Paris.
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