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Claude Guéant dit-il vrai sur Mohamed Merah ?

Il était ministre de l'Intérieur au moment de l'affaire Merah. Claude Guéant dément tout dysfonctionnement à la direction du renseignement intérieur (DCRI) : "Jamais", le comportement de Mohamed Merah "n'a révélé de dangerosité", affirme-t-il. Vrai ou faux ?
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Faux.

C'est la lecture des PV
d'auditions des policiers toulousains du renseignement intérieur (DCRI) qui
le montre. Le Parisien et Libération les ont consultés.

Juin 2011, neuf mois avant les attaques terroristes.
Merah est dans le viseur
depuis cinq ans. Les agents toulousains de la DCRI demandent à leur QG parisien
d'alerter la section antiterroriste du parquet. Hassan, l'agent qui le suit
comme son ombre, se dit "inquiet" du comportement "méfiant,
cloîtré et paranoïaque"
de Merah, engagé dans un activisme croissant.

Mais cette demande reste lettre morte.

Mieux : le 21 février, soit trois
semaines avant les tueries, la DCRI envisage de recruter Mohamed Merah. Il
rentre d'un séjour au Pakistan à l'automne, et à Paris, on se dit qu'il ferait
un bon "indic".

Profil "incompatible" répondent les fonctionnaires toulousains
qui poitent de nouveau la dangerosité de l'homme. On leur demande
d'arrêter de filer Mohamed Merah. C'est pourtant à ce moment-là qu'il commence à préparer ses attaques terroristes :
l'enquête ne le montrera, c'est vrai, qu'a posteriori.

"On n'a pas besoin de vous"

Il
passe à l'acte le dimanche 11 mars. Un premier militaire abattu à Toulouse. Quatre jours plus tard, deux autres sont tués à Montauban, un troisième grièvement blessé.

Le patron local de la DCRI demande alors à participer à l'enquête de police. Il
flaire la piste salafiste alors que la PJ oriente ses investigations vers l'ultradroite.
Préfet, procureur et patron régional de la PJ lui répondent qu'on n'a pas
besoin de lui.

Mais il s'entête. Et fournit une liste de suspects issus du milieu salafiste, en plus de la — seule — liste des suspects néofascistes qu'on lui demande. Six noms sont soulignés,
dont celui de Mohamed Merah. Si cette liste avait été croisée avec les adresses
informatiques qui menaient au tueur du 11 mars, le nom de Merah serait sorti du
lot.

La
PJ dispose par ailleurs des images de vidéosurveillance filmées à Toulouse. On y
voit le tueur au scooter. Le patron toulousain du renseignement affirme au juge
Teissier que, s'il avait pu soumettre ces vidéos aux hommes qui avaient filé
Merah, ils auraient pu l'identifier.

"À 80 %, c'est lui !"

Ces images, les opérationnels de la DCRI toulousaine ne les verront que le 20
mars. La veille de l'assaut du RAID. "À 80 %", c'est lui,
diront les enquêteurs.

Trop tard. Entre temps, Mohamed Merah a signé l'étape la plus sanglante de son
parcours, la tuerie de l'école juive Ozar-Hatorah de Toulouse.

Dans
un rapport rendu public le 23 octobre par Manuel Valls, l'Inspection générale
de la police nationale pointe, elle aussi, "plusieurs défaillances
objectives" dans cette affaire. Notamment le loupé du Renseignement
intérieur dans l'évaluation de la dangerosité du tueur.
Les avocats des familles des victimes demandent que la lumière soit faite sur l'éventuelle responsabilité des services dans cette affaire : plusieurs plaintes ont été déposées contre la DCRI. Et le député écologiste Noël Mamère annonce qu'il va réclamer la constitution d'une commission d'enquête parlementaire.

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