Aurélie Filippetti dit-elle vrai sur la "concurrence déloyale" que livre Amazon ?
Vrai
En localisant l'essentiel de ses
activités européennes au Luxembourg — comme d'autres le font en Irlande ou à
Gibraltar, Amazon réalise une spectaculaire optimisation fiscale. Sur le milliard d'euros estimé de chiffre d'affaires, Amazon ne déclare en France que 25 millions d'euros. Et ne paye donc impôts et TVA que sur cette petite proportion de son activité.
Le reste est déclaré sur le sol du Grand Duché qui sait déployer des arguments
convaincants en matière de fiscalité des entreprises. "On peut vraiment parler d'évasion fiscale", dénonce Matthieu de Montchalin, président du Syndicat de la librairie Française.
Impôts sur les sociétés + TVA : un
rapport sénatorial de juillet 2012 évalue le manque à gagner pour le Trésor
public à environ un milliard d'euros par an pour les quatre mastodontes que
sont Amazon, Google, iTunes et Facebook.
Du cash qui peut être immédiatement
investi dans une politique marketing très offensive : face au strict encadrement
du prix des livres, Amazon fait la différence en offrant les frais de port,
quitte à vendre à perte. Selon le Syndicat de la Librairie, Amazon perd chaque
année au niveau mondial 2,5 milliards de dollars de frais de port. Des
pertes financées par sa capitalisation boursière aux Etats-Unis et qui, en
attendant, permettent d'étouffer une concurrence qui n'a pas les moyens de
s'aligner.
Après avoir fait table rase de la concurrence, Amazon a ensuite tout le loisir de faire de nouveau payer les frais de port. "Dans certains pays où Amazon est quasiment le seul vendeur à avoir réussi à subsister, comme par hasard, ces frais de port qui étaient gratuits ne le sont plus", explique Matthieu de Montchalin.
Peu de créations d'emplois
Le Sénat estime qu'en 2015, la
vente en ligne pèsera plus de 5 % du PIB, soit une trentaine de milliard d'euros. La ministre de la Communication Aurélie Filippetti veut mettre en place des garde-fous
pour contrer cette évasion fiscale massive et tenter de sauver les entreprises françaises. Deux hauts fonctionnaires, l'inspecteur des Finances Nicolas Colin et le conseiller d'Etat Pierre Collin, doivent
lui remettre prochainement un rapport sur ce sujet, accompagné de
préconisations très concrètes.
Reste l'argument des créations
d'emplois. Amazon avait promis d'embaucher un millier de personnes sur une
plateforme logistique basée près de Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire). Livre Hebdo a publié mercredi la convention établie avec la région Bourgogne pour le versement des aides
publiques : sur le millier d'emplois annoncé, ce sont en réalité 250 CDI qui
ont été créés. Quelques centaines d'emplois peu qualifiés à mettre en regard
des 20.000 postes à sauver dans la distribution du livre en France.
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