Présidentielle 2022 : l'application Elyze et les façons d'intéresser les jeunes à la campagne... Le Vrai du Faux Junior
Focus dans le Vrai du Faux Junior sur l'application Elyze, destinée à intéresser les plus jeunes à la campagne présidentielle.
Comment amener les jeunes à s’intéresser à la politique ? Dans le Vrai du Faux Junior, le rendez-vous de décryptage et de vérification de l’information réalisé avec des collégiens et des lycéens, les élèves s’interrogent sur le fonctionnement d’une application qui a cartonné ces dernières semaines : l’application Elyze.
Elyze est une application conçue pour tenter d’amener les jeunes à s’intéresser aux programmes des candidats à la présidentielle. L’utilisateur sélectionne parmi des centaines de propositions celles avec lesquelles il est le plus en accord. Au bout du parcours sur l'application apparaît le ou les candidats qui a priori lui correspond(ent) le plus – candidats déclarés ou pas à ce jour d’ailleurs.
Lancée début janvier, l'application a été téléchargée plus d'un million de fois et a depuis été confrontée à certaines rumeurs et critiques. Aux élèves du lycée Paul Bert à Paris et du collège Jules Ferry à Sainte-Geneviève-des-Bois dans l'Essonne de démêler le Vrai du Faux.
Non, Elyze ne revend pas des données personnelles
"J’ai lu que l’application Elyze rencontrait des failles de sécurité et qu’elle revendrait nos données personnelles, est-ce que c’est vrai ?" demande Ludmila. "J'ai entendu dire que l'application Elyze utiliserait nos données personnelles", dit aussi Aloys. "Pour vérifier, ajoute t-il, on pourrait demander à la CNIL ou aux deux fondateurs de l’application."
Contactée, la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, répond qu’elle a été alertée, qu'elle "ne peut se prononcer en l’état sur la conformité de cette application", des informations complémentaires étant nécessaires. De manière générale, ce type d’application doit prévoir des garanties fortes pour protéger les données de ses utilisateurs : un niveau de sécurité élevé, une durée de conservation des données très limitée, et une parfaite transparence vis-à-vis de ses utilisateurs (quelles données sont collectées ? Avec quels objectifs ? Qui a accès à ces données ? …) La CNIL ajoute que le respect de ces obligations est particulièrement nécessaire lorsque des données sensibles (données qui révèlent les opinions politiques ou l’appartenance syndicale de la personne notamment) sont traitées. La collecte de ces données est par principe interdite, sauf exception, par exemple si le consentement explicite des personnes est recueilli.
Grégoire Cazcarra, l'un des fondateurs de l'application, se veut de son côté rassurant : " Au départ, on proposait aux utilisateurs de manière anonyme et totalement facultative de renseigner quelques informations sur lesquelles on aurait trouvé intéressant de travailler avec des centres de recherche, des think tanks. Mais malgré nos explications, malgré le fait qu'on garantisse de ne jamais vendre ces données à des équipes de campagne, certains utilisateurs restaient inquiets". Pour "rassurer tout le monde", ajoute t-il, les concepteurs d'Elyze ont décidé de supprimer toutes les données.
Oui, Grégoire Cazcarra est bien l'un des co-fondateurs d’Elyze
Qui sont les fondateurs de l'application? "J’ai lu sur Les Echos que l’appli Elyze a été créée par Grégoire Cazcarra et Gaspard Guermonprez et sur le quotidien Le Monde ce serait François Mari. Je me demande donc qui sont les véritables fondateurs de cette applicaton car les noms des créateurs changent en fonction des sites ?" s'interroge Manel.
"Au départ on est deux co-créateurs, lui répond Grégoire Cazcarra , François et moi. Et Wallerand et Gaspard nous ont rejoints quelques temps plus tard. On est une bande de potes. Et derrière il y a une dizaine de bénévoles dans un mouvement qui s'appelle "les Engagés" qui est un mouvement apartisan qui essaie d'intéresser les jeunes depuis déjà bientôt cinq ans à la politique. On est toute une équipe mobilisée sur Elyze."
Non, l'application n'a pas pour but d'orienter le vote vers tel ou tel candidat
Semaine après semaine et vu son succès, l'application Elyze a été scrutée de près par les équipes de campagne des candidats, par des internautes et a fait l'objet de critiques. "J’ai entendu sur Twitter que l’application Elyze favorisait le candidat Emmanuel Macron. Est-ce que c’est vrai que ça peut influencer le vote des jeunes, notamment les 16-24 ans ?" demande Anaïs.
"Je te rassure complètement là-dessus : aucun candidat, ni Emmanuel Macron, ni aucun autre n'est favorisé", lui répond Grégoire Cazcarra. "Tous ont le même nombre de propositions sur l'application et sont mis sur un même pied d'égalité. C'est vrai qu'un bug avait été identifié il y a quelques semaines en cas d'égalité sur l'application où certains candidats arrivaient avant les autres, bug qu'on a rapidement corrigé en implémentant une fonctionnalité 'ex aequo' si deux candidats ont obtenu exactement le même nombre de votes sur l'application."
Camille a une question du même ordre : "Est-ce que l’application influencerait les utilisateurs ? Vont-ils se fier aux résultats au lieu d’aller voir les programmes des candidats eux-mêmes ? Grégoire Cazcarra souligne que c'est une question pour lui "super importante". "On n'a pas vocation, dit-il, à délivrer une consigne de vote, c'est-à-dire à expliquer à n'importe quel jeune pour qui il doit voter. C'est pour ça qu'on encourage les utilisateurs, en plus de l'application, à aller lire les programmes des candidats quand ils seront dévoilés, à suivre l'actualité de la campagne dans les médias, bref à multiplier les sources d'informations. On se voit surtout comme une porte d'entrée vers cette élection pour ceux qui se désintéressent de la politique, voire qui n'ont pas l'intention d'aller voter et c'est eux qu'on espère remobiliser d'ici la présidentielle d'avril."
Non, les jeunes ne sont pas dépolitisés
Alors qu'une vaste enquête publiée par l'Institut Montaigne met en lumière une forte "désaffiliation politique" des jeunes, très critiques vis-à-vis du fonctionnement politique actuel, le succès de cette application démontrerait-il que les jeunes ne demandent dans le même temps qu'à s'intéresser aux enjeux politiques ?
"Il faut effectivement se méfier des idées toutes faites", confirme Anne Muxel, directrice de recherches au CEVIPOF, le centre de recherche politique de Sciences Po, et auteur du livre Politiquement jeune. "Il est totalement faux de dire que les jeunes ne s'intéressent pas à la politique. Ils ne sont pas dépolitisés. Ils sont au contraire en demande de compréhension, de repères, d'éléments de connaissances qui leur permettraient de mieux comprendre ce qui fait débat aujourd'hui dans la société française et d'ailleurs plus largement dans le monde – ne serait-ce qu'à travers leurs interrogations et préoccupations pour les questions environnementales, écologiques.
>> À lire aussi : "Il faut nous intégrer aux débats", plaident de jeunes électeurs
Ce qui ressort souvent quand on discute avec cette tranche d'âge, ajoute-t-elle, "c'est leur envie d'avoir des élements pour comprendre les débats politiques et les enjeux politiques contemporains. Ce qu'il veulent, c'est qu'on leur donne matière à réfléchir, matière à se situer en politique, matière à comprendre les programmes politiques et les idées des candidats et candidates qui sont en lice. De ce point de vue là, commente-t-elle, l'application Elyze "répond à bon nombre de leurs demandes, de leurs attentes pour mieux se repérer dans l'univers politique où ils ont envie de s'exprimer."
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