Le sens des mots. Ecocide, quand la prise de conscience environnementale monte d'un cran
Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, "écocide".
Légiférer sur le crime d’écocide. C’est l’une des 149 propositions présentées en juin dernier par la Convention citoyenne pour le climat. Selon la définition rédigée par la Convention, constitue un écocide "toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, en connaissance des conséquences qui allaient en résulter".
franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. Ce n’est pas la convention citoyenne qui a inventé le terme écocide.
Mariette Darrigrand : La notion a été créée en 1947, dans la foulée de "génocide" utilisé pour dénoncer les crimes nazis. "Ecocide" est un mot-valise, composé des deux termes : écologie et génocide.C’est un mot qui a une grande force puisque le suffixe -cide veut dire, en latin, tueur. Il vient du verbe "caedere" : frapper, abattre, faire tomber, ce qu’on retrouve dans "Cadavre". On voit fleurir les mots en -cide notamment dans les moments guerriers, par exemple, au 16e siècle au moment des guerres de religion quand on parlait de pastoricides : l’assassinat de pasteurs protestants.
Le mot "écocide" anthropomorphise la nature, il la rend plus humaine en affirmant que la tuer, c’est tuer l’homme. Avant, on disait principalement “polluer” pour qualifier un peu toutes les atteintes à l’environnement.
Polluer est un très bon emblème de l’évolution des mentalités. Au départ, c’est un terme fort qui veut dire étymologiquement "salir", "souiller", et même "profaner", avec une nuance morale qui correspond bien à la notion d’écocide. Mais la racine luo, luere c’est-à-dire "couler", au sens de l’eau qui coule (elle donne ablution par exemple) est sûrement trop spécialisée. Si on était fidèle au sens originel on ne pourrait parler que de "pollution des eaux". Et pas de l’air, de la terre, des aliments, de l’environnement sonore… Aujourd’hui le mot pollution paraît faible pour décrire les mécanismes de destruction de la nature, et surtout pour véhiculer la gravité de leurs conséquences.
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