Le rendez-vous du Particulier. Placement sous tutelle d'un proche : penser à surveiller la tutelle
Tous les dimanches, rendez-vous avec un expert de la rédaction du Particulier, le mensuel du Figaro qui s'intéresse au pouvoir d'achat, et à la vie quotidienne. Aujourd'hui avec Frédérique Schmidiger, une enquête sur la mise sous tutelle d'un proche et la nécessité d'une surveillance de cette tutelle.
On évoque aujourd'hui avec Frédérique Schmidiger, du mensuel Le Particulier, un sujet parfois délicat pour les familles, un sujet peut-être évoqué il y a quelques jours, lors des fêtes de Noël, celui du placement sous tutelle d'un proche qui devient dépendant et inapte à gérer ses finances. Un placement sous tutelle peut générer des angoisses.
franceinfo : c'est important, quelle que soit la situation, de surveiller la tutelle d'un de ses proches ?
Frédérique Schmidiger : En tout cas, c’est important de montrer qu’on se préoccupe de leur bien-être et qu’on n’abandonne pas tout au tuteur. Il faut s’assurer qu’on s’occupe bien d’elle ou de lui. C’est d’autant plus important que depuis la loi de programmation de la justice votée en mars 2019, le tuteur est de moins en moins soumis au contrôle du juge des tutelles. Par manque de temps, ce contrôle n’était souvent pas vraiment opéré ou pas très approfondi. Mais aujourd’hui, il disparait complètement pour le contrôle des comptes de gestion, par exemple.
Dans un cadre familial, on imagine que cela peut être difficile de trouver sa place. On peut donner l'impression de ne pas faire confiance au tuteur...
Oui, ça peut évidemment être mal pris, ou en tout cas, pris comme un signe de défiance. Il faut bien avouer que la tâche n’est pas non plus facile pour le tuteur. C’est une lourde charge. Il peut donc vite être agacé par quelqu’un qui surveille, critique, sans aider. Le levier pour garder de bons rapports avec le tuteur, c’est peut-être justement de proposer d’alléger ce poids. S’occuper de renouveler les vêtements, être présent pour les visites médicales, proposer des sorties…
Il y a une vraie différence à avoir dans son rapport au tuteur, qu'il soit professionnel ou un membre de la famille ?
La différence est énorme bien sûr. Elle tient à la charge affective. C’est souvent un des enfants qui exerce la tutelle. D’ailleurs, normalement le juge doit désigner, en priorité, un membre de la famille. Les autres enfants peuvent se sentir tenus à l’écart ou souffrir d’une forme de lien privilégié, ou même du pouvoir exercé par l’enfant tuteur sur son parent. Cela peut être très déstabilisant pour toute la fratrie. S’il n’y a aucun proche pour assumer le rôle de tuteur, ou si la famille s’entend vraiment trop mal, le juge désigne un tuteur professionnel, qu’on appelle un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Là, la difficulté, c’est d’arriver à échanger avec lui. Les mandataires sont souvent débordés car ils doivent gérer beaucoup de mesures.
Donc il faut commencer par faire confiance au tuteur. Mais des signes peuvent alerter. Il faut se questionner face à certaines situations (isolement du proche sous tutelle)
Certains tuteurs font barrage et finissent par isoler la personne qu’ils sont censés protéger en limitant par exemple les visites. La loi l’interdit. La Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée, impose au tuteur de préserver les liens familiaux et de tenir compte du rôle de la famille et des proches. Mieux, elle dit bien que la personne protégée est libre d’avoir des relations non seulement avec sa famille mais aussi avec ses amis !
Les proches ont le droit de venir lui rendre visite et de l’héberger chez eux. Au besoin, on peut alerter le juge des tutelles et lui demander d’organiser les visites et un hébergement, par exemple pendant les vacances.
Si cela tourne mal, on peut faire annuler la tutelle et changer le tuteur ? Ou il y a des mesures intermédiaires (droit de regard, devenir subrogé tuteur) ?
Il faut peut-être distinguer deux situations. Il y a le cas de la mésentente, quand le courant ne passe pas entre le tuteur et le majeur protégé. Si par exemple il est très agité après l’avoir vu, ou s’il n’est jamais associé aux décisions qu’il prend. Dans ce cas, il faut contacter le juge avec des faits précis et lui demander de nommer quelqu’un d’autre.
L’autre situation, concerne plutôt le cas d’un tuteur qui ne gère pas bien les affaires de la personne. Qui paye en retard ou pas du tout les factures, ou pire, qui pourrait bien siphonner les comptes. Vous ne pouvez pas en principe exiger de voir les comptes de gestion ou avoir une copie des relevés bancaires. Le tuteur n’a tout simplement pas le droit de les communiquer. Ils sont confidentiels. Mais vous pouvez demander au juge à être autorisé à vous les faire communiquer.
Dans tous les cas, le meilleur moyen d’être plus étroitement associé à la tutelle, c’est de demander au juge à être désigné comme subrogé tuteur. Cela donne le droit de surveiller les actes et de vérifier les comptes.
Un tuteur ne peut toutefois pas agir seul lorsqu'il s'agit de prendre les décisions les plus importantes ?
Il doit demander l’autorisation du juge des tutelles et consulter le subrogé tuteur (s’il y en a un) pour accomplir les actes qui engagent le patrimoine du majeur protégé. Cela couvre différents types d’opération, comme par exemple, réaliser de grosses réparations sur sa maison, demander une carte de crédit ou souscrire un placement…
Au moment de la mise sous tutelle, décision souvent lourde, une avocate citée dans votre article, conseille de commencer par nommer un tuteur professionnel et de prendre le relais par la suite. Ainsi la plupart des démarches auront déjà été effectuées, et bien effectuées...
C’est effectivement un bon conseil. Le plus dur, le plus compliqué, parce qu’on ignore ce qu’il faut faire et comment le faire, c’est de mettre en place la tutelle. Informer les banques, faire l’inventaire du patrimoine. Une fois que tout est mis sur les rails, la famille peut assumer seule. Et puis, il est toujours possible de se faire aider par les associations familiales, une Udaf (union départementale des associations familiales) ou France Tutelle par exemple, pour prendre en main la fonction de tuteur familial.
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