Le temps de parole des politiques hors campagne électorale et pendant les européennes
Les auditeurs s'interrogent sur le temps de parole des politiques à la radio. Pour leur répondre, Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France, reçoit Erik Kervellec, secrétaire général de l'information de Radio France.
Emmanuelle Daviet : Des auditeurs souhaiteraient savoir quelles sont les règles qui régissent le temps de parole des politiques en dehors des périodes de campagnes électorales ?
Érik Kervellec : Alors le principe est le suivant, et c’est inscrit dans la loi, les stations de radio et de télévision publiques et privées, tout le monde est concerné, doivent garantir le pluralisme. Autrement dit, sur les antennes, l’expression la plus juste possible des différents courants politiques, selon leur poids supposé dans la société française. Alors la règle, c’est un tiers du temps de parole pour l’exécutif, soit le chef de l’Etat, plus le gouvernement, et puis les deux tiers qui restent pour l’ensemble des formations politiques.
Pour être précis, dans ces deux tiers, les partis les plus puissants entre guillemets, parce que c’est très relatif, ceux qui ont, en tout cas le plus d’élus, qui ont gagné les dernières élections, qui ont la faveur des sondages, ces partis-là ont droit à plus de temps que les petits, entre guillemets, là encore. Et il y a quelqu’un qui veille et qui contrôle tout ça, l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, à qui l’on doit, Radio France comme les autres, transmettre nos comptes, chaîne par chaîne, tout au long de l’année. L’ARCOM, qui a un arsenal complet de sanctions pour nous dissuader de sortir des clous.
Des auditeurs s’interrogent également pour savoir à partir de quelle date débute officiellement la campagne pour les élections européennes et quelles sont les principales règles à respecter pendant cette période ?
On le sait depuis juste cette semaine, donc ça tombe très bien, c’est une question pertinente et d’actualité. Ça va commencer le 14 avril prochain. À partir de là, pendant huit semaines, nous devrons, nous donc, les médias audiovisuels, tenir une comptabilité très précise de toutes les voix qui s’exprimeront sur ce scrutin. Un citoyen de base qui dit qu’il votera pour Monsieur Untel ou Madame Une telle, ça compte comme la parole d’un ténor politique. Et à la fin, il faut que nous soyons capables à tout moment, de justifier que nous avons donné à tout le monde un accès équitable à nos antennes, et que toutes les opinions s’y sont exprimées.
Autre sujet d’intérêt pour les auditeurs et ils souhaitent savoir qui est responsable de l’établissement de ces règles concernant le temps de parole et des campagnes électorales ?
C’est précisément l’ARCOM qui le fait au nom de la République. Donc ce n’est pas rien. Et les règles varient selon le type de scrutin, et l’analyse qu’en fait l’autorité de régulation. Elle varie sur la durée de la campagne, sur le principe même. Est-ce que c’est une simple équité entre les partis ou une égalité parfaite à un certain moment, ça existe, de temps en temps, dans certains scrutins.
Et même l’ARCOM se prononce sur ce que l’on doit prendre en compte. Il y a la parole des femmes et les hommes politiques d’une part, donc ce qu’on appelle nous, le temps de parole. Mais l’ARCOM peut aussi parfois nous demander, au-delà, de relever tous les commentaires de nos journalistes, de nos chroniqueurs à charge ou à décharge, ce qu’on appelle le temps d’antenne. C’est ce qui s’est passé, par exemple pour les deux dernières élections présidentielles, et c’était sur une période très courte, et heureusement parce que franchement, je ne vous le cache pas, c’est très complexe, très complexe à mettre en œuvre.
Est-ce que ces règles s’appliquent de manière égale à tous les acteurs médiatiques ou bien y a-t-il des exceptions ou bien des spécificités ?
Oui ça ne s’applique pas à tout le monde. Les médias en ligne, les réseaux sociaux ne sont absolument pas soumis à ces règles, comme nous dans l’audiovisuel. Alors bien sûr, il y a plein de gens pour dire que ce n’est pas juste, parce que vous avez les gens d’un côté qui sont hyper surveillés, et les autres qui ne font que ce qui leur plaît.
Selon l’ARCOM, les règles prévues par le législateur en matière de pluralisme, sont tout bonnement inapplicables sur Internet. Car contrairement aux antennes, chacun peut y avoir accès, comme il veut, et intervenir comme il l’entend, en ligne finalement. Entre des publications sur les réseaux sociaux, la mise en ligne de vidéos, l’organisation d’émissions sur Twitch par exemple, les espaces de parole sont infinis, explique l’ARCOM, alors qu’à la télévision et à la radio, le périmètre est circonscrit. Ça fait toute la différence.
Pour l’ARCOM, ces deux mondes n’ont rien à voir l’un par rapport à l’autre. On ne peut pas dupliquer le pluralisme sur l’espace numérique. Alors est-ce qu’on peut se satisfaire de cette analyse ? Pas sûr, disent certains. Si l’on regarde l’importance prise aujourd’hui, par tout ce qui se dit sur le Net, qui peut être de nature à faire basculer une campagne électorale, on l’a vu dans le passé, des faits marquants qui faisaient que l’opinion changeait à un certain moment, mais ça bouge quand même un peu en la matière.
À l’occasion de cette campagne pour les Européennes dont on a parlé il y a un instant, les plateformes en ligne sont appelées à suivre des préconisations, qui sont supposées répondre à ce risque de manipulation, qui pourrait nuire au bon déroulement de l’élection. Et ça, c’est vraiment nouveau.
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