Le rendez-vous de la médiatrice. Bilan de la couverture de l'élection américaine sur franceinfo
Jean-Marc Four, directeur de la rédaction internationale de Radio France, répond aux questions des auditeurs et internautes qui ont écrit à Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France, sur la couverture de la présidentielle américaine par les journalistes de franceinfo.
On commence avec cette remarque d'auditeurs qui reprochent à Radio France, je cite, sa "Bidenmania". Voici quelques messages :
"Les journalistes ont oublié d’être neutres. Ils sont censés nous donner des faits et non des opinions, Biden est votre président de cœur. Depuis 6 mois vous l’avez désigné vainqueur. J’écoute vos journalistes commenter le résultat de l’élection, ils sont tellement heureux de la victoire Biden."
Emmanuelle Daviet : Comment expliquez que des auditeurs aient cette perception du traitement journalistique de Joe Biden ?
Jean-Marc Four : Ce ressenti est partiellement compréhensible, mais si on parle de la couverture des reportages sur le terrain, c’était extrêmement équilibré, j’en étais le garant. C’est-à-dire que c’était vraiment 50/50. On avait autant de journalistes auprès des électeurs pro Trump qu’auprès des électeurs pro Biden.
Maintenant, pourquoi ce ressenti ? Il y a trois raisons : la première, c’est que, de fait, Biden a gagné, donc on a eu des reportages de liesse du côté de Biden et pas de Trump, ça peut donner cette sensation qu’on était du côté de Biden. En réalité celui qui a gagné, forcément, il y a de la liesse de son côté. Deuxième explication : on en parlé déjà la semaine dernière, il y a peu de voix aujourd’hui en Occident, qui sont favorables à Trump, et pour cause, vu le mal que Trump a fait à la relation transatlantique. Troisième explication potentielle : il y a de fait, peut-être une dimension psychologique chez les journalistes eux-mêmes.
Je m’explique : Trump a tellement agressé gratuitement les journalistes, j’insiste là-dessus, alors qu’ils se contentaient de faire leur métier, de fait, il y a peu d’empathie dans le monde journalistique à l’endroit de Trump. Et c’est vrai, plus encore qu’en France, aux États-Unis, où on a vu que même la chaîne conservatrice Fox News a fini par le lâcher.
Emmanuelle Daviet : Sur le bilan diplomatique de Trump, des auditeurs auraient souhaité entendre plus d’analyse. Un message parmi d’autres :
"Pourquoi ne pas avoir davantage dit que Trump n’a enclenché aucune guerre, qu’il a fait la paix avec la Corée du Nord, engagé des traités de paix entre Israël et des pays musulmans, cela visiblement n’est pas important pour vos chroniqueurs."
Trump faiseur de paix, en a-t-il été suffisamment question ?
Jean-Marc Four : Ce n’est pas à moi de juger mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec cet auditeur, car pour le coup, il y a eu beaucoup d’analyses sur les antennes de Radio France, plus d’analyses que de reportages. C’est le travail de votre serviteur sur l’antenne de franceinfo, de Thomas Snégaroff aussi bien sûr, sur l’antenne de france Info, de Pierre Haski sur l’antenne de France Inter, Christine Ockrent sur l’antenne de France Culture etc, et je n’oublie pas notre correspondant permanent aux États-Unis, Gregory Philipps. Avec des analyses, réécoutez-les, franchement, on peut vous mettre des liens, souvent pondérées.
Moi-même j’ai soulevé plusieurs fois à l’antenne que c’est vrai, Trump n’a pas été un président belliciste, il n’a pas déclenché de nouvelles guerres, et c’est assez rare dans l’histoire récente américaine. Le jugement qu’on peut porter sur sa politique migratoire est peut-être assez pondéré, car le grand tournant sur la politique migratoire, le grand tournant, le durcissement sur la politique migratoire américaine, c’est sous Barack Obama, et ça je l’ai dit sur l’antenne de franceinfo.
Emmanuelle Daviet : Le Covid-19 frappe durement les États-Unis. Dans le contexte de cette crise sanitaire, à quelles difficultés, sur le terrain, ont été confrontés vos envoyés spéciaux ?
Jean-Marc Four : Le fait est que ça complique la tâche considérablement. Je précise que ne partent en reportage que des personnes qui sont volontaires : que ce soit des journalistes ou des techniciens, comme ça a été le cas lors du premier confinement, où l’on partait déjà beaucoup en reportage à l’étranger. Il y a des contraintes : il y a le port du masque, ça paraît anecdotique, ça ne l’est pas du tout aux États-Unis où, particulièrement pour les reporters qui ont couvert les meetings de Donald Trump, ils se sont faits, pour certains d’entre eux, agressés par les militants sur le mode "mais pourquoi vous portez un masque ?"
Une reporter par exemple m’a dit : "J’ai été contrainte de répondre que c’est une obligation que m’impose mon entreprise." Ce n’est pas si simple que ça quand même. Il y a une autre difficulté qui est liée aux tests Covid légitimement réclamés par les compagnies aériennes, ça varie d’une compagnie à l’autre : il y en a une qui va vous demander un test PCR, une autre qui va se contenter d’un test antigénique. Si votre vol a été décalé, ça a été le cas puisque pour nombre d’entre nous, nous avons décalé notre retour de jour en jour, en attendant les résultats, alors votre test n’est plus valable, etc. En plus, aux États-Unis, ça coûte un bras, et on est comptable des deniers du contribuable. Donc oui, ce n’est pas la mer à boire, mais ça complique le travail sur le terrain, c’est évident.
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