Le rendez-vous de la médiatrice. Amazon et la publication d'une tribune sur franceinfo
Qui apparaît comme "le grand gagnant de la crise" du Covid-19 et du confinement ? Amazon, estiment dans une tribune des responsables d'ONG, d'associations, de syndicats, de partis politiques, ainsi que des écrivains, des libraires ou des élus. En début de semaine, ils ont appelé à "stopper Amazon avant qu’il ne soit trop tard".
Dans une tribune publiée lundi 16 novembre sur le site de franceinfo, 120 responsables d'ONG, d'associations, de syndicats, de partis politiques, ainsi que des écrivains, des libraires ou des élus, font le constat d'une "crise sans précédent qui a une nouvelle fois révélé les profondes inégalités de notre société". Ils demandent l'instauration d'"une taxe exceptionnelle sur les ventes d'Amazon" et "les autres profiteurs de la crise" sanitaire, soulignant "l'urgence de stopper l'expansion du géant du e-commerce".
La démarche de franceinfo n’a pas vraiment été comprise par certains des auditeurs ; ils ont écrit à la médiatrice des antennes de Radio France, Emmanuelle Daviet. L’occasion aujourd’hui dans ce rendez-vous de faire le point sur cette question de la publication de tribunes par la rédaction de franceinfo. Avec le directeur adjoint de la rédaction, Matthieu Mondoloni.
Emmanuelle Daviet : Quelle est la ligne éditoriale de franceinfo pour publier une tribune ?
Matthieu Mondoloni : Il s’agit de savoir si une tribune est pertinente éditorialement. C’est-à-dire que nous, ce qui nous intéresse, c’est : est-ce qu’elle participe à un débat qui est dans l’air du temps, et auquel nous-mêmes nous consacrons un certain nombre de sujets. Cette tribune est un éclairage, elle ne reflète évidemment jamais la position de franceinfo, puisque nous sommes dans une position de neutralité habituelle, fidèles à la ligne éditoriale de notre chaîne. Mais c’est vraiment la pertinence éditoriale de cette tribune qui va retenir notre attention.
C’est le cas effectivement de cette tribune co-signée par 120 personnes, 120 organismes, sur Amazon. On a choisi de la publier parce que je le répète, elle nous semblait dans l’air du temps, dans un débat qui est en train de monter. On voit encore que, dans les jours qui ont suivi la publication de cette tribune, cela a fait débat, ça a fait réagir Amazon, mais aussi les autres grands distributeurs, la grande distribution de façon générale, mais aussi les petits commerçants. C’est la ligne qui nous conduit à publier, ou non, une tribune. On n’en fait pas énormément d’ailleurs, si vous regardez sur le site de franceinfo.fr, il n’y en a pas tant que ça. Mais c’est vraiment ce qui définit pour nous, la nécessité ou pas, l’acceptation ou pas de publier cette tribune, c’est le point de vue éditorial qui nous semble pertinent.
Emmanuelle Daviet : Comment s’opère la sélection ? Qui décide ? Est-ce que ce sont des signataires qui viennent vous trouver ?
Matthieu Mondoloni : Oui effectivement. Généralement, ce sont des tribunes, et là pour le coup, on en reçoit beaucoup plus qu’on en publie. Mais ce sont des signataires qui nous envoient les tribunes par mail, qui s’adressent en général à la direction de la rédaction. Pour celle d’Amazon, c’est moi qui ai eu la première version qui m’a été envoyée. Donc, on lit attentivement ce que contient le texte de cette tribune, pour savoir si cela s’insère dans une logique éditoriale qui est la nôtre, si cela va faire débat, si ça peut faire réagir. Et on regarde évidemment qui signe cette tribune ; est-ce que ce sont des gens qui représentent aujourd’hui quelque chose. On ne va pas publier une tribune qui est signée par cinq personnes, dont personne n’a jamais entendu parler.
Mais là en l’occurrence, ce qui nous semblait intéressant, au-delà des signataires habituels de ce genre de tribune anti-amazon, c'est que c’était plus largement relayé par des libraires, par des petits commerçants, qui eux aussi, avaient apposé la signature en-dessous de cette tribune. On s’est dit que là, effectivement, il y avait une logique éditoriale à la publier, à la mettre en avant. Mais on a aussi publié des tribunes en faveur de l’apprentissage des jeunes, on a publié des tribunes du syndicat de la magistrature, dans le débat qui était celui qui l’opposait à Eric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux. On a publié une tribune sur l’Union des Gauches, les partis de gauche qui appelaient à se fédérer pour la prochaine élection présidentielle.
Ce ne sont pas pour nous des choix partisans. Ce sont évidemment des tribunes partisanes, c’est une évidence, mais c’est pour cela qu’on appelle ça "tribune". On n’ouvre pas l’antenne, on n’ouvre pas le site internet à n’importe qui, uniquement à des gens qui ont quelque chose à dire, pour, derrière, pouvoir faire réagir les adversaires, les opposants. On se sert de cette tribune pour susciter le débat.
Vous avez indiqué que vous recevez plus de tribunes que vous n’en publiez. Alors précisément, quel type de tribune refusez-vous de publier, hormis celles qui sont signées par des personnes inconnues ?
Des tribunes qui franchissent, ce que je vais appeler moi, "la ligne rouge éditoriale de franceinfo". Il y a des propos que nous ne relayons pas, que ce soit dans les reportages que nous réalisons, dans les invités que nous avons en studio, des propos qui peuvent être discriminants, propos racistes évidemment, xénophobes etc. Nous ne les retenons pas, nous expliquons aux personnes qui nous les envoient pourquoi elles ne seront pas retenues. Mais je le répète encore une fois, on en publie très, très peu finalement sur le site de franceinfo. Je faisais tout à l’heure le catalogue, dans les derniers mois, on a dû en publier cinq ou six, et même sur l’année écoulée.
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