La couverture journalistique sur franceinfo de l’attaque au couteau à Annecy
Parmi les commentaires concernant cette attaque d'Annecy du 8 juin, des auditeurs estiment que cet événement a été surmédiatisé. Voici un message : "Je trouve que la couverture des événements à Annecy est envahissante. Trop, c’est trop. À croire que plus rien n’existe sur cette planète. Les médias ont consacré quasiment des heures à ce drame, en excluant, par exemple, la situation très perturbante des interventions pour abroger la loi retraite à l’Assemblée nationale".
Emmanuelle Daviet : Philippe Rey, pourquoi est-il normal que les médias accordent une telle attention à un événement de cette nature ?
Philippe Rey, directeur de la rédaction de franceinfo : Alors je ne crois pas que la couverture a été trop importante. La couverture a été juste. Pourquoi ? Parce que rappelons quand même les faits, et les conditions dans lesquelles se déroule cet événement : c’est une plaine de jeux, le matin, il fait très beau, les mères de famille fréquentent ce parc très populaire avec leurs enfants, des enfants en bas âge. Et à ce moment-là, une fois que l’attaque survient, et bien, c’est un moment de sidération à peu près général. Parce que, encore une fois, on s’attaque à de très jeunes enfants. Je rappelle qu’il y avait notamment une fillette néerlandaise, âgée à peine de 22 mois, six blessés au total, dont quatre enfants.
Donc cette dimension est forcément à considérer. Pour le reste, la couverture a été un peu à l’image de ce que l’on fait à chaque fois, une couverture dimensionnée en fonction des faits qui se sont déroulés, et surtout de la qualification que l’on pouvait en faire. Et très vite, naturellement, nous avons décidé de passer à une édition spéciale, sur la base de ce que je vous disais et de continuer de travailler de la même manière que nous le faisons, à chaque fois sur ce type de faits divers.
Précisément, lors de la couverture d’un tel événement, le risque pour une chaîne d’information continue est de tomber dans le sensationnalisme. Estimez-vous avoir évité cet écueil et si oui, comment avez-vous procédé journalistiquement, selon quels critères éditoriaux ?
Alors, je le disais, nous décidons, au regard de ce qui est en train de se passer, d’un premier bilan qui est à notre disposition, six blessés dont quatre enfants, avec à la fois, je l’ajoute, des pronostics vitaux qui sont engagés. Nous décidons à ce moment-là de passer à une édition spéciale. Les premiers éléments sont communiqués par les journalistes chargés de travailler sur ce dossier, des journalistes de notre service police/justice.
Nous décidons ensuite, bien entendu, de faire appel à des témoins qui étaient présents sur le parc pour essayer de donner une qualification des faits. Nous avons ensuite au téléphone plusieurs personnalités, notamment des personnalités politiques. Puis très rapidement, à la mi-journée, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, qui peut, là aussi, aller dans ce sens de qualifier les faits, et nous n’avançons que sur la base de ce que nous avons vérifié, et de ce que nous pouvons donner.
J’ajoute qu’à la mi-journée, ce jour-là, assez rapidement d’ailleurs, Élisabeth Borne, qui s’était déplacée sur place, fait une conférence de presse avec la procureure de la République et le maire d’Annecy. Bref, comme à chaque fois, nous mettons en avant ces éléments. Nous les vérifions, et nous n’allons jamais au-delà de l’explication des faits. Seulement les faits, toujours les faits.
L’attaque à Annecy a très rapidement pris une dimension politique. Comment avez-vous choisi de traiter cet aspect, nous demandent des auditeurs ?
Alors, effectivement, d’abord en donnant des éléments de portrait qui ne nous arrivent pas forcément très vite, sur le profil de l’assaillant. Je rappelle que c’est un homme de nationalité syrienne, qui était inconnu des fichiers de police. Il a vécu 10 ans en Suède, où il a obtenu un statut de réfugié. Il avait ensuite demandé un statut de réfugié à la France. Donc, on met en avant les éléments du profil que nous avons, et on décorrèle très rapidement tout ce qui pourrait tenir de la réaction politique, puisque, à cette occasion, il y a eu beaucoup d’hommes politiques.
Je rappelle qu’on était en séance à ce moment-là à l’Assemblée nationale, et que beaucoup de députés, en fonction de leur appartenance politique, ont qualifié les faits, parfois de manière partisane. Mais tout cela a été très assumé. Il a donc fallu encore une fois expliquer que les éléments concernant cet assaillant n’avaient tout simplement rien à voir, et c’était important aussi de le dire, avec une attaque terroriste, puisqu’il n’y a eu aucun mobile terroriste et que le parquet national antiterroriste ne s’est pas saisi de ce dossier.
Lors d’un épisode comme celui-ci, vous travaillez avec l’agence de Radio France pour la vérification des faits ?
Oui, absolument. C’est là où l’on mesure la qualité et l’indispensable présence de l’agence aux côtés de la rédaction. La rédaction aujourd’hui est de toute manière absolument qualifiée et habituée à travailler avec l’agence et vice-versa, et il est important pour nous, effectivement, même si on doit prendre un peu de retard dans la diffusion, ou dans la mise à l’antenne de ces faits, de pouvoir les vérifier. Parce que je rappelle à tous ceux et toutes celles qui nous écoutent que franceinfo, "c’est l’info juste".
Donc tout ce qui est donné à l’antenne a été archi vérifié ?
Absolument, tout ce qui a été donné à l’antenne a été archi vérifié. Encore une fois, on s’appuie sur le travail de nos journalistes qui passent des appels, plusieurs et nombreux, pour savoir exactement de quoi l’on parle. Quel est l’état des blessés, quel est l’état de l’assaillant, quel est son profil ? Et puis, on croise ces informations avec les différentes autorités qui, sur place, les recoupent également. Et on s’est rendu compte à l’arrivée, que tout ce qui avait été annoncé était absolument vrai.
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