Warren Buffett, l'homme qui voulait payer plus d'impôts
A Omaha, Warren Buffet y est né, et il y vit toujours. Dans
la même maison que celle qu’il a achetée en 1959. Son assemblée générale qui a
commencé avec 12 personnes il y a plus de 50 ans, c’est aujourd’hui une kermesse
à laquelle se pressent 40.000 actionnaires grands ou petits.
On vient en
famille, on profite du buffet à volonté le premier jour et des prix cassés tout
le week-end pour les actionnaires sur tous les produits du groupe. Ceux qui se
retrouvent en sont rarement à leur première fois, ils arrivent parfois de très
loin comme David Cook et sa femme qui ont conduit presque 3000 kilomètres
depuis l’Oregon, ou ce couple de Montréal qui a mis 21 heures avec pause à
Chicago pour rejoindre ce Woodstock de la finance qu’ils fréquentent depuis 8
ans. En repartant, le coffre sera plein
de bonbons de tee-shirts dont certains sont à l’effigie de Warren Buffet, de
meubles ou de fours à micro-ondes !
"Si vous voulez allez au meeting", prévient Judith
qui est de la ville," il faudra vous y prendre très tôt, dès 7h du matin. Il y a
17.000 places assises seulement. Mais puisque vous êtes là, si vous voulez
aller voir la maison de Warren je peux vous dessiner un plan. Pour nous c’est
un peu Elvis Presley. C’est quand même quelque chose" .
"Buffet l'oracle d'Omaha"
Buffet en Rock-Star, en père spirituel ou en gourou, Buffett
l’oracle d’Omaha comme on l’appelle ici, occupe la scène de son assemblée
générale pendant plus de cinq heures ; avec son compère de toujours et numéro
deux du groupe, Charlie Munger, il répond aux questions des actionnaires avec
humour et malice tout en croquant sans interruption les bonbons dont il est
propriétaire ; il balaye d’un trait la question de sa succession en
rassurant ses fidèles sur ce cancer de la prostate qu’il a rendu public le mois
dernier, et continue à cacher le nom de son successeur.
Ce rendez-vous qui
parle de finance, de consolidation, de conjoncture et de bilan comptable est
aussi un grand show qui n’existe dans aucune autre entreprise au monde. On y
assiste en short et en tongs malgré la présence de Bill Gates au premier rang. "Il
ne perd pas d’argent, c’est le plus sage de tous", dit cet investisseur qui
ne veut pas donner le montant de son portefeuille et refuse de s’inquiéter des
performances assez maigres de Berkshire Hataway ces trois dernières années.
"Et en plus, il donne sa fortune. Quand on a autant d’argent, il faut
le partager, mais pas comme certains le voudraient. S’il veut donner, il donne,
attention, les impôts c’est pas pareil" .
Warren Buffett qui n’a jamais caché ses préférences pour le
parti démocrate, a depuis plusieurs mois a secoué le club très fermé des très
riches en réclamant de payer plus de taxes. Il a regretté publiquement de payer
moins d’impôt sur le revenu que sa secrétaire et s’est porté volontaire pour
que son nom soit brandi par l’administration démocrate.
Le multimilliardaire avait
suggéré que les 400 plus grandes fortunes des Etats-Unis payent au moins 30%
d’impôt, comme la moyenne de l’Américain Lambda, il a laissé faire quand Barack
Obama a mis la barre bien plus bas en tentant de faire voter - sans succès - la "Buffett
rule", un projet de loi qui touche tous les revenus supérieurs à un
million de dollars, soit 400.000 contribuables. Il a aussi fermé les yeux
quand sa fameuse secrétaire, Debbie, a été invitée à s’installer à la droite de
Michelle Obama lors du discours sur l’état de l’union en janvier dernier.
Warren Buffett est bien conscient qu’il indispose certains
de ces actionnaires avec ses prises de position. Ce week-end à l’assemblée
générale, il a réussi à faire éclater de rire toute la salle en suggérant à
ceux qui se sentent gênés d’acheter des actions chez Murdoch. David Cook avoue
qu’il a souri lui aussi, même s’il n’est pas d’accord. "Les faits c’est
que les plus riches payent largement la plus grosse part d’imports sur le
revenu dans ce pays. Rajouter quelques mega millionnaires changera le budget de
manière infinitésimale" .
Selon les calculs du New York Times en
effet, les revenus générés par une imposition des plus riches ne dépasseraient
pas les 45 milliards de dollars en 10 ans. Ironiquement, c’est le montant de la
fortune de Buffett et aussi une goutte d’eau dans le déficit Américain.
Taxez-moi, m... ! (Stephen King)
Mais l’idée
de Buffett est ailleurs. "Pour lui, c’est juste envoyer un signe disant
qu’on doit tous travailler à épargner l’argent de l’état pour aider le pays à
passer ce cap difficile", interprète Guerart Monroe, qui vient de l’IOWA
en voisin. Buffet ne veut pas payer plus, il veut payer autant. 150 millionnaires
et milliardaires ont signé l’année dernière cette supplique inédite à l’état
fédéral : "Laissez-moi payer des impôts". Le dernier en date
c’est le romancier Stephen King il y a quelques semaines qui dans le daily
Beast, la version Internet de Newsweek a carrément écrit : "Taxez-moi, merde !" .
Warren Buffet, octogénaire jovial à la réussite exemplaire
qui a déjà prévu de donner tout son argent à la fondation Bill Gates, n’a rien
d’un Robin des Bois du Nebraska, il est devenu l’emblème de cette philosophie
très américaine qui parle de rendre à son pays en monnaie trébuchante ce qu’il
a pu offrir en opportunité au cours d’une vie.
Et notez que parmi tous ceux qui veulent faire des chèques,
il y a les millionnaires de la Silicon Valley, il y a des acteurs d’Hollywood
mais curieusement très peu de banquiers et autre traders de Wall Steet…
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