Syrie : retour à Homs, ville meurtrie
Aujourd’hui, la vieille ville de Homs ressemble à ces villes normandes comme Saint-Lô ou Caen après les bombardements de juin 1944. Plus un immeuble, plus une maison debout. C’est comme si un tremblement de terre avait rasé le cœur historique de la troisième ville de Syrie. Je croise Zafer Nacrour, l’un des habitants du secteur chrétien. Sa maison qui datait du XIXe siècle a été touchée par des obus. Il n’en reste pratiquement plus rien, si ce n’est un amoncellement de gravats.
Le choc
Une autre femme est venue voir la maison de sa sœur. Hébétée, elle arrive à peine à parler. Le spectacle de la vieille ville de Homs dévastée est difficile pour ceux qui l’ont connue avant.
- "L’église, le quartier, les maisons…"
- C’est la première fois que vous revenez ?
- "Oui, c’est la première fois… "
- Et quel est votre sentiment ?
- "Choc, choc… C’est quelque chose que l’on ne peut pas exprimer, ca dépasse tout ce qu’on peut dire"
Les pelleteuses ont commencé à déblayer les gravats dans ce quartier à majorité chrétienne. La partie qui est située près de la grande mosquée de Homs risque quant à elle de rester longtemps à l’abandon. Ce sont des immeubles entiers qui se sont abattus sous le feu de l’artillerie syrienne. Il va falloir certainement tout raser pour un jour reconstruire.
Une personne "magnifique" au milieu du chaos
Un peu plus loin, le couvent des pères jésuites. C’est là que vivait le Père Frans, ce prêtre néerlandais qui n’a jamais voulu quitter la ville de Homs, et qui a été assassiné en avril dernier. Dès que vous entrez dans l’enceinte de ce petit couvent, vous voyez une chaise sur laquelle est posé un bouquet de fleurs. C’est sur cette chaise que le père Frans a été abattu d’une balle dans la tête par un inconnu. A gauche, une grande croix est posée sur la terre et tout autour des photos du père Franz, avec des enfants. C’est sa tombe.
Tous les jours ils sont des dizaines, comme Mariam, à venir ici. Elle le connaissait depuis qu’elle était adolescente. Aujourd’hui c’est avec sa fille qu’elle est venue se recueillir. "C’est la tombe du père Frans, le seul qui a résisté dans ce quartier. C’était une personne magnifique, plus que magnifique", dit-elle.
" Le Père Frans nous traitait comme si nous étions tous ses enfants "
La tombe du père Frans est devenue un lieu de pèlerinage. Il avait choisi de rester à Homs pendant le siège avec deux autres personnes dont Marie qui était volontaire dans le Couvent. Elle raconte les conditions de vie durant cette période. "Au début, on avait une petite quantité de provisions. Les rebelles forçaient parfois la porte avec leurs pieds, ils entraient avec leurs armes et prenaient nos vivres. Après on a vécu une période très dure. On mangeait des herbes car il ne restait plus rien. Le Père Frans nous traitait comme si nous étions tous ses enfants. Sous les bombes il lui arrivait d’apporter de quoi manger aux gens d’un autre quartier. Et quand il ramenait quelque chose c’était pour tout le monde. Jamais il nous a fait sentir ‘ça c’est à toi, ça c’est à moi’", se souvient Marie.
"Ils voulaient aussi l’éloigner de l’idée de faire sortir les gens du quartier"
L’assassin du Père Frans n’a pas pu être identifié car il était cagoulé. Mais ses amis croient connaître les raisons pour lesquelles le prêtre a été tué.
- "Trois jours avant qu’on le tue, des rebelles sont venus, ils lui ont donné des coups, ils l’ont menacé et comme il n’a pas plié, quelqu’un est venu ensuite et l’a assassiné."
- Qu’est ce qu’ils demandaient ?
- "Ils voulaient d’abord de la nourriture et ils voulaient aussi l’éloigner de l’idée de faire sortir les gens du quartier".
Un mois après sa mort, les derniers rebelles qui étaient retranchés ont accepté de quitter la vieille ville de Homs après avoir conclu un accord avec le régime. Les civils étaient partis quant à eux quelques semaines avant, affamés par le siège imposé par l’armée. "Il nous manque tellement ", disent tous ceux qui ont connu le père Frans. Ce prêtre hollandais qui avait 75 ans répétait qu’il aimait la Syrie comme si c’était SON propre pays … Sur l’une des affiches, à coté de sa tombe, ses amis ont écrit : "50 ans en Orient".
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