Dernier Nobel français : Jules Hoffmann.Ce chercheur de 74 ans a été récompensé en 2011 par le prix Nobel de médecinepour ses travaux sur l'immunologie et les insectes. Et depuis qu'il a étédésigné, il dispose de beaucoup moins de temps pour ses loisirs, lesrandonnées, la lecture et le chant grégorien. "Ce qui a changé, c'estqu'il y a énormément de sollicitations pour faire des conférences... Les coupsde téléphone, les lettres, les demandes, c'est exponentiel. Tout cela vient dumonde entier, de Bolivie, d'Argentine et de Chine, d'où je reçois environ unedizaine d'invitations par semaine. Mon agenda est bloqué en 2013. Tout celadonne l'impression qu'à un moment donné, vous ne vous appartenez plus tout àfait", explique-t-il. Depuis son prix, Jules Hoffmann —membre del'Académie des sciences — a consacré deux fois moins de temps à sonlaboratoire. Pris dans un tourbillon, il a décidé de refuser les sollicitationsà partir de 2014.Prix Nobel : chance et contraintesLe Nobel sert de carte de visite,éternelle et universelle. C'est un sésame pour obtenir des financements.François Jacob, 92 ans aujourd'hui, prix Nobel de médecine en 1965 pour sestravaux sur la génétique, a profité pendant plusieurs années du coup de poucedu Nobel. "C'est à peu près ce qu'on peut avoir de mieux", dit-il."Les donneurs d'argent, les fondations vous donnent de l'argent plusfacilement si vous avez un prix Nobel, parce qu'eux aussi aiment bien miser surles gagnants. C'est aussi plus facile d'entrer en contact avec les chercheursétrangers, spécialistes de votre domaine. Certainement cela nous a aidés pourles recherches qui ont suivi parce qu'il y a toujours des choses nouvelles, ilfaut toujours plus d'argent et c'est compliqué".Mais d'autres ont dû se passer de ce coupde pouce. Car la récompense est arrivée trop tard pour qu'ils en profitentvéritablement. Il s'écoule souvent plusieurs années entre la découverte et leNobel. Trente-quatre années très exactement dans le cas d'Yves Chauvin, déjà àla retraite quand il a été récompensé, en 2005, pour des travaux réalisés en "Vingt ans plus tôt, ça aurait changé ma vie professionnelle,c'est certain. Cela aurait eu un impact sur ma recherche, parce qu'on m'auraitsans doute donné plus de moyens. Ma vie aurait été complétement différente. Mespatrons, qui trouvaient que ce que je faisais n'était pas intéressant, auraientchangé de point de vue. Maintenant, ça n'a plus d'incidence, c'est plushonorifique".Le Nobel, c'est évidemment une chance —une reconnaissance mondiale, un chèque d'un million d'euros, mais c'est aussiune pression très forte. Les lauréats entrent dans un cercle très fermé et celaest un peu stressant, confie Albert Fert, prix Nobel de physique 2005. "Resterà la hauteur du prix Nobel, c'est quelque chose qui m'a stressé depuis ledébut. Aller à la cérémonie de Stockholm et cotoyer pendant une semained'autres prix Nobel m'a stressé un peu et depuis, cela m'a poussé à progresserencore. Je fais plus attention à ce que je fais, à ce que je dis, j'ai uneresponsabilité, je dois contrôler mes paroles, ne pas raconter de bêtises. Jeserai malheureux de ne pas être à la hauteur". Simple étape dans une carrièrePour la plupart des lauréats, tous membres de l'Académie des sciences, le Nobeln'est qu'une étape dans leur parcours. Quatre ans après avoirété récompensé pour ses recherches sur le virus du sida, Luc Montagnier — 80ans — poursuit son travail. "On ne peut pas en rester là, on n'a pasterminé le travail. Donc je considère que ce n'est qu'une étape. Il n'y a pasun avant Nobel où vous travaillez beaucoup et un après Nobel, où vous vousreposez sur vos lauriers et cultivez votre jardin. Non, pour moi, et surtoutpour le sida, les choses ne sont pas terminées. On ne guérit pas le sida, onn'a pas de vaccin, donc il y a encore beaucoup de travail à faire. La recherchecontinue".Y aura-t-il un 57e Français lauréat duprix Nobel, cette semaine ? Impossible à dire... Le secret qui entoure lesdélibérations est l'un des mieux gardés au monde.