La cigarette électronique fait un tabac
17ème
arrondissement de Paris près du pont Cardinet. On pousse la porte de la
boutique "Clopinette " et c'est découverte sur découverte. Le comptoir
et les étals sont entièrement blancs immaculés. Beaucoup de plantes. Cela
ressemble plus à une pharmacie qu'à un bar-tabac.
La boutique ne
désemplit pas. Les responsables y accueillent plus d'une centaine de clients
certains jours. Cette marque franchisée leader sur le marché français possède
20 boutiques en France, et va en ouvrir 14
d'ici fin mars. Les patrons visent une multiplication par quatre du
chiffre d'affaire cette année. Il était en 2012 de 3 millions d'euros.
À l'origine de ce
succès commercial, non plus la cigarette jetable blanche et orange
"imitation" de la vraie cigarette qui, elle, est déjà dépassée. Ce
qui se vend maintenant ce sont des modèles plus grands, que l'on tient comme
une pipe ou une chicha.
"Bien
moins de substance toxiques que dans la fumée de cigarette..."
"Ca surprend
un peu les gens au départ, mais après, cela recrée un geste rituel qui plaît", commente Rachid
Aichouch, responsable de la boutique qui se plait à faire la démonstration à
qui le souhaite, recrachant une épaisse vapeur blanche. "Cette
cigarette, c'est une batterie, un réservoir dans lequel on verse des recharges
liquides et puis un embout. Un système assez simple. On recrache seulement de
la vapeur de propylène glycol, de glycérine végétale et de nicotine. C'est bien
moins de substance toxiques que dans la fumée de cigarette"
ajoute-t-il.
Goûts vanille,
réglisse, citron, fraise
La dose de nicotine
dans la cigarette électronique de 11 à 19 mg est fonction des habitudes du
fumeur : qu'il soit à un demi-paquet, un paquet ou plus par jour. Cette
e-cigarette séduit hommes et femmes. Elle s'est beaucoup offerte à Noël et pour
la Saint-Valentin. L'investissement
de départ est de 79 euros pour le modèle le plus vendu. Ensuite un fumeur
dépenserait dans ses recharges des sommes quatre fois moins importantes que
celles qu'il dépensait dans ses paquets, à dépendance et consommation égale.
Les fumeurs d'e-cigarettes : des "vapoteurs"
Les acheteurs qui
se nomment eux-mêmes "vapoteurs" choisissent leurs recharges dans les
rayonnages de flacons 10 millilitres. Il
y a différents goûts "tabac" blonds ou bruns, et fruités en quantité
: fraise, citron, réglisse pour en citer quelques uns.
"Moi j'aime
les goûts caramel et vanille, je prends du 16 mg" , confie Vincent la
cinquantaine. Il vient tous les 10 jours dans cette boutique, soit à une
fréquence bien moins élevée qu'il n'allait auparavant au bureau de tabac.
Certains des
clients veulent arrêter de fumer ou ralentir. D'autres –nombreux – comme Vincent
ont juste remplacé leurs vieilles cigarettes par la version électronique, très
avantageuse selon eux.
"Moi ce qu'apprécie vraiment, c'est que je n'ai
plus les doigts jaunes, mes vêtements et mon appartement ne sentent plus cette vilaine
odeur de tabac et surtout ce qui m'a surpris c'est que j'ai retrouvé le goût
des aliments"
raconte Sienna, 19 ans, qui s'est convertie aux
cigarettes électroniques il y a 3 mois.
"Je ressens
surtout un gros changement au niveau du souffle. Je n'ai pas retrouvé toutes
mes capacités, c'est sûr, mais d'être passé à la cigarette électronique, cela m'a
rendu une partie de mon souffle. Je le sens clairement quand je monte les
escaliers, c'est moins difficile" explique Michel, 40 ans, converti lui
depuis un mois.
Michel raconte aussi qu'il fume partout et qu'il n'incommode
plus personne : à la maison, au restaurant, dans la salle d'attente à
l'aéroport, dans les bars et même au bureau.
Il n'y a en effet aucune réglementation précise concernant cette cigarette
électronique inodore.
Une absence totale
de réglementation
Cette e-cigarette
qui ne manque pas d'intriguer n'aurait donc que des avantages. Mais est-on
certain qu'elle est meilleure pour la santé ? La réponse est plutôt oui. Il n'y
a ni goudron, ni ammoniaque, ni nitrates, ni les centaines de produits
chimiques et cancérigènes contenus dans la cigarette.
Toutefois on manque de connaissance sur l'effet à long
terme des liquides et de leur vapeur. Le
professeur Dautzenberg, pneumologue à la Pitié Salpetrière, vient avec une
dizaine d'experts d'être chargé par la Direction générale de la Santé de rendre
un avis en juin sur cette e-cigarette.
"J'ai comme un
double discours à propos de cette e-cigarette. En termes de dangerosité,
évidemment il me semble qu'elle n'arrive même pas à la cheville de la cigarette
ordinaire. Du coup je ne dissuaderai pas un gros fumeur de s'y convertir. Mais
en même temps, nous n'avons aucun recul sur ce produit, personne n'a fait de
vraies analyses sur son impact à long terme. Il faut de tout urgence créer un
cadre pour sa commercialisation, interdire qu'il soit vendu aux mineurs par
exemple" , explique Le professeur Dautzenberg.
Ce manque de cadre
scandalise aussi les buralistes. Ils vendent cette cigarette électronique mais voient
d'un très mauvais œil les boutiques 100% consacrées à ce produit. **
"Il y
a vraiment deux poids, deux mesures. Il y a une concurrence déloyale. Comment
le gouvernement et comment Bruxelles peuvent-il laisser ces boutiques fleurir
sans rien dire et nous imposer à nous distributeurs de tabac de faire notre
travail avec toujours plus de contraintes ?"
s'insurge Pascal
Montredon, président de la Confédération des buralistes.
On pourrait penser
les industriels du tabac également paniqués et scandalisés de ce succès
croissant de la cigarette électronique. On pourrait se dire qu'elle va devenir
leur ennemi, leur bête noire si son succès se confirme. Mais les industriels
sont plus malins.
Dans les pays anglo-saxons où en Pologne où la cigarette
électronique s'est bien implantée, plutôt que de la combattre, les
industriels la rachètent. Par exemple
British American Tobacco vient tout juste d'acquérir une florissante start-up
qui fabrique ces e-cigarettes. Le but : garder les fumeurs dans leur giron.
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