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L'accord emploi : une révolution dans le droit des licenciements

Le Medef, la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC ont signé Le 11 janvier dernier un accord dit de sécurisation de l'emploi. Il doit être présenté ce mercredi en Conseil des ministres, avant d'être débattu à l'Assemblée nationale. Ce mardi, les non-signataires, à savoir FO et la CGT, appellent à des manifestations dans toute la France. Décryptage des dispositions qui risquent de changer les procédures de licenciement.
Article rédigé par franceinfo
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Pour le gouvernement,
ce texte est historique : il réforme le marché du travail en donnant plus de flexibilité
aux entreprises (possibilité de moduler le temps de travail et les salaires
en cas de baisse d'activité) et plus de sécurité aux salariés (généralisation
d'une complémentaire santé payée par l'employeur, droits rechargeables à
l'assurance chômage, encadrement plus stricte du temps partiel). Le texte comporte aussi toute une série de
dispositions
qui risquent de bouleverser les procédures de licenciement.

Des plans sociaux dans des délais limités

A commencer par
les plans sociaux : il y en a prés d'un millier en France chaque année. On en
parle tous les jours, avec PSA, Continental ou encore Fralib. Des plans
sociaux, qu'on appelle des PSE pour plan de sauvegarde de l'emploi dans le code
du travail et qui s'étendent sur des mois voire des années. Mais avec cet accord
sur l'emploi, ces licenciements collectifs devront être bouclés dans des délais
précis : trois mois, par exemple, pour un plan social concernant moins de 250
employés.

Pour Etienne
Bernard, président du comité TPE-PME du Medef et patron d'une grosse PME spécialisée dans les équipements électriques, ces
délais fixés à l'avance permettront d'assurer la survie des entreprises en cas
d'effondrement du carnet de commande : "Les chefs d'entreprise ne
veulent pas licencier, mais quand il doivent le faire ils doivent le faire vite,
pour rebondir vite. Dans la procédure actuelle des PSE, vous entamez des licenciements
sans savoir combien de temps cela va durer. Si cela dure un an, l'entreprise
perd de l'argent, et cela peut la mettre au tapis. Avec l'accord qui a été
signé, il y a des délais fixés, donc si vous pouvez faire des licenciements en
trois mois, vous pouvez aussi espérer que dans 2 trimestres vous pourrez réembaucher
ceux que vous avez licenciés
".

Les
licenciements contrôlés par l'inspection du travail ?
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Les procédures des
plans sociaux seront donc accélérées. Autre nouveauté : les entreprises auront
désormais deux possibilités pour mener un PSE. Soit elles en négocieront
les modalités (nombre de licenciements, mesures de reclassement) avec les
syndicats majoritaires. Soit, faute d'accord
avec les partenaires sociaux, ces licenciements devront obtenir l'accord de l'inspection
du travail. L'administration pourra d'ailleurs considérer que le plan social n'est
pas justifié. Pour le gouvernement c'est la garantie d'un contrôle de l'Etat, sur
ce que font les entreprises.

Mais l'argument
est loin de convaincre Stéphane Lardy, le "monsieur emploi" de Force Ouvrière
: "Le gouvernement nous avait dit que c'était une négociation sur
la sécurisation de l'emploi. En fait l'essentiel tourne autour du droit des
licenciements, c'est tout de même un léger paradoxe. Et dans une période
de crise, quand vous facilitez les licenciements, vous envoyez les gens à Pôle
Emploi et ils ne retrouvent pas de travail
".  

Les salariés
sauvegardés choisis selon leur compétence
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Cet accord crée
tout de même de nouveaux droits pour les salariés, comme la généralisation d'ici
2016 d'une complémentaire santé financée en partie par les entreprises, un encadrement
plus strict du temps partiel ou encore des droits rechargeables à l'assurance
chômage.

Mais dans le même
temps, les entreprises auront aussi plus de marge de manouvre si elles doivent
licencier pour raisons économiques. Désormais, elles pourront choisir les
salariés qu'elles veulent garder en fonction de leur compétence. Jusqu'à présent,
l'âge et l'ancienneté étaient favorisées.

Des critères
qui d'après Eric Malenfer, patron d'une PME spécialisée dans l'expertise
géométrique, pénalisaient les entreprises : "C'étaient systématiquement les
plus jeunes qui étaient virés. J'ai dû le faire, à contrecœur en
2008-2009. Désormais, l'accord privilégie la compétence. Il faut laisser
le choix au patron de désigner les personnes dont il a besoin pour rebondir
".

Un barème pour les indemnités de
licenciement

Par ailleurs,
si le texte de l'accord sur l'emploi est voté en l'état, quand un salarié
contestera son licenciement devant la justice, il y aura un barème fixant le
montant des indemnités que doit lui verser l'entreprise. Un barème qui
scandalise Maître David Métin, spécialiste en droit du travail : "Avec
deux ans d'ancienneté, un salarié se verra proposer une indemnisation de deux
mois de salaire, un montant ridicule. Donc un certain nombre de salariés n'iront
pas en justice pour percevoir deux mois de salaire. Mais qu'est-ce que c'est, deux
mois de salaire, pour une entreprise comme Continental ou General Electrics ? Donc
aujourd'hui on licencie plus facilement. En plus on évite le juge, c'est tout

benef'". Cela dit, ces barèmes ne s'appliqueront que lors de la phase de conciliation aux Prud'hommes. Le salarié pourra refuser ces indemnités et aller en jugement.

Le texte n'est pas encore voté : difficile
de dire s'il y aura moins de procédures en justice. Une chose est sûre : d'après
cet accord sur l'emploi, les salariés auront moins de temps pour contester un
licenciement. Deux ans au maximum, contre cinq actuellement. 

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