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Justice : la voix, un nouvel élément de preuve

Une bande magnétique, la messagerie d'un répondeur, un serveur internet... Quel que soit le support, la voix peut être un élément déterminant pour les enquêtes judiciaires. Pour identifier la voix d'un suspect, les techniciens de la police scientifique et de la gendarmerie nationale disposent de logiciels puissants capables de comparer et trier les enregistrements grâce aux algorithmes. Des outils de "biométrie vocale" sur lesquels les forces de l'ordre refusent de communiquer.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Depuis la fin janvier, au siège de la
police scientifique d'Ecully, le service de l'informatique et des traces
technologiques (SITT) expertise le fameux enregistrement attribué à Jérome
Cahuzac
. Un enregistrement rendu public par le site d'information
Mediapart et censé prouver que le ministre
détenait au moins un compte en Suisse. Pour effectuer ce travail à la demande du parquet de Paris, les
techniciens de la police utilisent, comme leurs collègues de la
gendarmerie, des outils informatiques comme
le logiciel Batvox.

"Batvox est né en Espagne ", raconte Philippe Vinci, consultant chez
AGNITIO/BATVOX qui nous a fait une démonstration de son produit. "Le logiciel a
été développé à l'université de
Madrid. Il a très vite intéressé la Guardia civil  [ndlr : l'équivalent de notre gendarmerie] pour lutter contre les mouvements
indépendantistes armés. Devant l'intérêt et les résultats de ce type de
logiciel, d'autres polices ont aussi
montré de l'intérêt. On s'est positionnés sur ce créneau et il a été
adopté par plusieurs corps de police dans le monde
". En Espagne, depuis les
débuts de Batvox, plusieurs criminels dont
des membres de l'ETA ont ainsi été confondus et condamnés par la justice espagnole.

Chaque voix a sa propre signature

La plupart des experts européens en phonétique, agréés par les tribunaux,
s'appuient désormais sur ce type de
logiciels pour aider la justice à identifier ou au contraire dédouaner des
suspects. La puissance des algorithmes
permet aujourd'hui de "faire parler " des
enregistrements de mauvaise qualité, inexploitables il y a encore 5
ans.

"La biométrie vocale est très appréciée des services d'enquete à travers
le monde en matière d'anti-terrorisme en Europe, pour les affaires de kidnapping
ou de trafic de drogue en Amérique latine
", explique Philippe Vinci. "Comme l'ADN, chaque voix a sa propre signature. L'épaisseur de nos cordes
vocales, la taille de notre larynx, de nos cavités buccales et nasales, tout
cela produit une voix unique et la machine détermine une trentaine de points de
comparaison comme pour l'ADN ou les empreintes digitales. Ca ne fait pas tout
mais c'est une sérieuse aide à la preuve dans de nombreux dossiers en
cours
".

Une preuve pas aussi puissante que l'ADN

En France, la justice reste prudente par rapport à l'identification
vocale. La voix est considérée comme un élément de preuve intéressant mais
rarement comme une preuve aussi solide que l'ADN et surtout l'empreinte
digitale. Dans l'affaire Gregory, des dizaines et des dizaines d'expertises et
contre-expertises vocales ont été menées par le passé sans jamais aboutir.
Aujourd'hui, les progrès de cette technique pourraient relancer des enquetes que
l'on croyait enterrées.

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