Immobilier : les failles du diagnostic énergétique
Le
DPE, c'est cette petite étiquette verte, jaune, orange ou rouge qui apparaît
sur toutes les annonces immobilières. Le classement varie de la lettre A à la
lettre G, en fonction de la consommation d'énergie du logement. Ce sont les
diagnostiqueurs qui sont chargés d'expertiser les appartements ou les maisons.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ces classements sont parfois loin
d'être fiables.
"C'est
toujours la loterie", regrette Cédric Musso, directeur
des relations institutionnelles à l'UFC-Que choisir. " Selon le
diagnostiqueur auquel vous avez recours, vous n'allez pas aboutir au même
classement, parce qu'un même logement a été classé selon le diagnostiqueur en
catégorie B et un autre l'a classé en catégorie E. C'est une différence de
quatre classes énergétiques, c'est absolument considérable. Ce n'est pas normal
qu'on aboutisse pas à un classement homogène régulier".
Logiciels
différents
Plusieurs
éléments expliquent ces failles et ces différences de diagnostics. Le secteur a
connu une forte expansion ces dernières années. Il y avait 4.000
diagnostiqueurs avant 2006, ils sont 6.500 depuis que le diagnostic a été rendu
obligatoire. Leur formation est parfois discutable, pas toujours très encadrée.
Et puis, le matériel utilisé pose aussi question. Il existe une dizaine de
logiciels et tous ne sont pas paramétrés à l'identique.
"Certaines
informations peuvent être vérifiées par le diagnostiqueur, mais d'autres
non", explique Bruno Dumont Saint Priest,
délégué général de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier.
"Par exemple, l'isolant intérieur dans un appartement. A moins de
démonter une prise – ce qu'un diagnostiqueur ne doit pas faire – vous pouvez
difficilement mesurer l'épaisseur de cet isolant. Donc quand vous n'avez pas la
mesure exacte, vous rentrez une mesure par défaut. Et chaque logiciel va
attribuer une valeur différente à cette mesure par défaut. Donc effectivement
aujourd'hui l'outil n'est pas fiable. Quand vous avez cinq ou six mesures que vous
ne pouvez pas vérifier, cela a une incidence réelle" .
Diagnostics
de complaisance
Le
DPE, qui évalue la consommation énergétique d'un logement, sert parfois
d'argument de vente. Un acquéreur potentiel peut aussi utiliser un mauvais
diagnostic comme outil de négociation, pour faire baisser un prix. Pour un
vendeur, il est donc important de décrocher la note la plus élevée possible. Ce
qui donne parfois lieu à des dérives.
Certains
profitent des failles du système pour tenter d'obtenir des diagnostics de
complaisance remarque Guy Barta, diagnostiqueur à Paris. "Il arrive que
certains vendeurs, pas satisfaits du premier diagnostic, appellent un autre
diagnostiqueur en espérant obtenir une meilleure note. On me l'a déjà demandé.
Et j'ai perdu une agence immobilière parce qu'un concurrent arrive à sortir
régulièrement des notes de meilleure qualité sur des biens comparables" .
Réforme
du DPE
Un
plan, qui entre en vigueur le 1er janvier 2013, doit améliorer le DPE, le
rendre plus crédible, plus fiable et faire disparaître les fraudes. La
formation des diagnostiqueurs va être accrue. Ils doivent désormais justifier
d'un niveau bac+2. Et l'outil lui-même va être modernisé précise Philippe
Pelletier, président de "Plan bâtiment durable", une structure
missionnée par les ministères du logement et de l'écologie pour mener une
réflexion sur le sujet.
"Le
DPE va être mieux renseigné. Avant, il y avait 30 paramètres, il y en aura
désormais 60. Un moteur de calcul va être mis en place et très vite, on ne
devrait plus voir des diagnostics différents pour un même bien. On devrait aller
vers davantage d'harmonie" , précise Philippe
Pelletier.
En
majorité, les professionnels du secteur aimeraient que le DPE devienne
opposable. Cela permettrait à un acquéreur de se retourner contre l'ancien
propriétaire ou contre le diagnostiqueur, en cas d'évaluation erronée. Mais ce
dernier point n'est pas à l'ordre du jour du plan de fiabilisation 2013.
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