Ces croissants industriels qui investissent nos boulangeries
Les boulangers n'avouent pas faire appel à
l'industriel car, quelque part, ils trompent leurs clients. Pierre Couderc, lui, met les pieds dans le plat. Pour se
distinguer des boulangeries de son quartier, ce pâtissier du 19e
arrondissement de Paris a apposé une affiche sur sa devanture sur laquelle on
peut lire : "Tous nos produits sont confectionnés sur place. Ils ne sont pas
choisis sur catalogue et livrés surgelés par l'industrie" .
Ici, les macarons, croissants, pains au chocolat sont
tous "fait maison". "Nos croissants ne sont pas caoutchouteux, ni pleins d'air, ils sont consistants et en même temps aérés, onctueux et croquants à la
sortie du four ", explique Eddy, tourrier de profession - c'est celui qui confectionne les
viennoiseries.
"Une viennoiserie sur deux environ est industrielle"
Un croissant onctueux, sans margarine, sans
conservateur. On ne peut pas toujours en dire autant des produits industriels.
Leur percée dans les 30.000 boulangeries que compte le pays prend une ampleur
considérable depuis une dizaine d'années. Selon Philippe Godard, directeur de la
communication des entreprises de boulangerie et patisserie française, "une
viennoiserie sur deux environ est industrielle dans nos boulangeries
artisanales".
Quelques grands groupes se disputent le marché, le
plus connu "coup de pâtes" qui propose un catalogue d'environ 700 références
dont près d'une dizaine de variétés de croissants. Ils arrivent surgelés
pré-cuits ou crus chez le boulanger, qui n'a plus qu'à les passer au four. Idem
pour la pâtisserie : les catalogues proposent une pléïade de tartes au citron,
éclairs aux chocolat, pizzas avec effet artisanal pour les plus chères. Un
croissant sur catalogue coûte environ 20 centimes d'euros, il est revendu entre 80
centimes et 1,20 euros, une tarte au citron autour d'un euro est revendue le triple
en moyenne.
Le "fait maison" coûte plus cher que l'industriel, se désole Sophie qui a racheté une boulangerie dans un quartier huppé de Paris il y a un an et demi. Voilà le fond du problème selon elle. "Je fais mes pâtisseries moi-même mais je perds de l'argent " confie cette boulangère parisienne. "Ce n'est pas normal ! Tant que l'on n'aura pas résolu ce problème du coût de l'artisanal, beaucoup de boulangeries feront encore appel à l'industrie" . Pour équilibrer ses comptes, Sophie se rattrape sur la vente de produits moins périssables comme les confitures ou les boissons.
Les grands groupes industriels concernés, qui n'ont pas souhaité s'exprimer, font valoir l'effort sur la qualité des produits, certains utilisent du beurre AOC et les normes d'hygiène draconniennes auqxuelles ils sont soumis. Petit conseil pour repérer les boulangeries purement artisanales : une offre limitée, des produits qui ne sont pas calibrés.
L'appellation boulangerie ne garantit pas le "fait maison"
Depuis 1998, les boulangeries ont l'obligation de faire leur pain sur place, mais cela concerne uniquement le pain. "Cette loi ne concerne pas les viennoiseries. On peut être boulanger et ne pas confectionner ses viennoiseries soi-même " explique Jean-Pierre Crouzet, le président de la Confédération nationale de la boulangerie, patisserie. Il travaille actuellement à une plus grande transparence même si beaucoup de boulangers craignent la réaction de leurs clients. La Fédération du Loir-et-Cher, elle, a pris le taureau par les cornes. Dès lundi prochain elle lance un label "viennoiseries faites maison" - les boulangers du département pourront apposer ce macaron en vitrine.
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