Alcooltests obligatoires dès le 1er juillet : une loi très contestée
La prévention plutôt que la répression, c'est le sens de cette mesure. Les
automobilistes qui ne savent pas s'ils ont trop bu pourront ainsi se tester
avant de démarrer. Si vous êtes positifs, vous ne prenez pas le volant, vous
évitez un contrôle de police et surtout un accident. Jusque là, c'est clair,
simple et a priori utile.
Mais ça l'est moins si l'on entre dans le détail. Nous avons
le choix de nous équiper d'un éthylotest, utilisable plusieurs fois, qui coûte
une centaine d'euros plus des frais d'entretien annuels. Ou d'alcooltests jetables, coût moyen entre un et deux
euros. C'est évidemment cette option qui va être choisie très
majoritairement. Ces modèles ont une durée de vie limitée : 2 ans. Et ils ne
résistent ni au froid, -10 degrés. Ni à la chaleur, + de 40 degrés. La
loi stipule qu'ils doivent bénéficier de la norme NF.
Un marché important
Or des millions de modèles inondent le marché actuellement
sans en bénéficier. Et puis, quand vous achetez votre alcooltest, prenez-en
deux. Si vous vous testez, vous prenez la route dans la foulée, la
police vous contrôle, il faut avoir dans la voiture un modèle neuf en état de
fonctionner, ce qui ne serait plus le cas puisque vous venez de
l'utiliser.
Si vous ne remplissez pas toutes les conditions, ce sera 11
euros d'amende, à partir du 1er novembre. D'ici là, tout le monde doit donc
s'équiper. Et c'est un marché énorme : environ 36 millions de véhicules
concernés. Deux éthylotests à chaque fois. Donc 72 millions au total. Et
renouvelables régulièrement. C'est le jackpot pour les fabricants. Et il n'y en a que deux avec la norme NF, l'un est Sud-Africain, largement minoritaire, l'autre est Français basé dans l'Hérault,
Contralco.
Des soupçons de conflit d'intérêt
L'année dernière, cette firme a produit 24 millions
d'alcooltests, cette année ce sera plus de 50 millions. Pour une progression du
chiffre d'affaires de plus de 15 millions d'euros. "De nouveaux équipements et
de nouvelles machines vont arriver dans le courant de l'été" , explique le
directeur commercial, Guillaume Neau. "Il nous faudra alors former et embaucher
encore quelques personnes. Nos effectifs vont ainsi passer de moins 70 personnes
à plus de 200 d'ici fin Juillet."
Des affaires florissantes mais des des soupçons de conflit
d'intérêts parce qu'une association, I-Tests, a milité auprès des élus et du
ministère de l'Intérieur pour cette mesure. Dans son organigramme, on ne trouve
que des professionnels du secteur, les patrons de Contralco
notamment. Et à sa tête, Daniel Orgeval. Bénévole dans l'association
mais salarié à mi-temps de Contralco pour 3.000 euros par mois.
Accusé de lobbying, il répond : "On peut dire que c'est du
lobbying même si je ne sais pas trop ce que cela veut dire. Je suis un
autodidacte. J'ai sûrement été persuasif. En tout cas, sans intérêt particulier,
l'objectif n'est absolument pas de faire de l'argent au titre de l'association
avec cette mesure. Si les entreprises en bénéficient, c'est tant mieux. Quant à
ces accusations de conflit d'intérêt, je note qu'en règle générale, ce sont les
gens de la profession qui défendent la profession. Les danseuses étoile de
l'Opéra ne parlent pas au nom des patrons pêcheurs."
Autre information qui pose question : l'un des
vice-présidents de cette association de lobbying est aussi membre du comité qui
décerne la norme NF des éthylotests. Pour la commission parlementaire, qui avait proposé cette
mesure, il n'y a pas de lobbying. Le rapporteur affirme qu'I-tests n'a eu aucune
influence dans le choix de cette mesure. Il précise d'ailleurs que la loi en
elle même date de 1970, elle n'a simplement jamais été appliquée faute de
décret. C'est le cas maintenant.
Le scepticisme des associations
"Si amélioration il y a, c'est un progrès" , note Philippe Houillon, député UMP du Val d'Oise et rapporteur de la commission
parlementaire. "Il ne faut pas confondre une bonne mesure et des gens, le cas
échéant, qui auraient intérêt à promouvoir cette mesure. Des intérêts financiers
par exemple. A partir du moment où il y a un produit à acheter, ça intéresse des
entrepreneurs, il y a de l'argent à gagner. Ca ne me parait pas complètement
anormal. Ca ne vient pas contradiction avec le caractère d'intérêt général de la
mesure."
La Ligue contre la violence routière n'est pas du tout de
cet avis. Sa présidente est pourtant généralement très favorable à ce
genre de mesure. Cette fois, Chantal Perrichon n'y croit pas : "C'est une
mesure absurde qui vise à donner bonne conscience aux politiques. 80% des
accidents mortels ont lieu avec une alcoolémie supérieure à 1,2 grammes. Ceux-là
savent pertinemment qu'ils sont au-dessus de la limite et ils ne seraient pas
testés avant de prendre le volant."
Evitez de boire avant de conduire, c'est le plus
simple. Et en attendant, équipez vous de deux alcooltests norme NF, à
partir de dimanche la loi l'impose.
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