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Munitions : un maillon faible de la défense européenne

En Europe, il faut accélérer la cadence de production des munitions. Les munitions simples, et les munitions complexes, intelligentes. En France, un rapport parlementaire a dressé un constat inquiétant.
Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
3 mars 2022, base aérienne 702 d'Avord, dans le Cher. Chargement de dix tonnes de munitions dans un avion militaire Airbus A400M, à destination des soldats français à Constanta, sur la base aérienne avancée de l'Otan en Roumanie. (Illustration) (PIERRICK DELOBELLE / MAXPPP)

L'avertissement du secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a jeté cette semaine une lumière crue sur un maillon faible de la défense européenne. Et la France en est un exemple. Jens Stoltenberg presse les pays membres d'accélérer la cadence de production des munitions. A l'heure actuelle, l'Ukraine en consomme plus que les 30 pays membres de l'Alliance n'en fabriquent.

En France, un rapport parlementaire rédigé par deux députés, Vincent Bru et Julien Rancoule, dresse un constat inquiétant : la dégradation des stocks français depuis la fin de la guerre froide est désormais insoutenable, disent les deux députés. On est très loin de l'économie de guerre réclamée par le secrétaire général de l'Otan.

franceinfo : Quelle est la situation constatée par les députés ?

Grégoire Lecalot : Alors pas de chiffres, c'est secret défense. Mais les auteurs du rapport ont effectué une vingtaine d'auditions, et visité deux sites stratégiques. Avec la fin de la guerre froide, suivi de celui du service militaire en 1996, de la révision générale de politiques publiques en 2007, suivie de la crise de 2008, l'armée est passée du format de masse, à celui d'échantillons de forces, destinées à des actions de corps expéditionnaires. Et suivant le mouvement, la filière des munitions est passée du modèle de production de stocks, à celui de flux, pour couvrir les besoins immédiats et aussi plus rentables.

Il y a deux grandes familles de munitions : les munitions simples, qui doivent être produites en masse, comme les balles ou les obus de mortiers. Sur le champ de bataille, elles sont utilisées contre 90% des cibles. Et les munitions complexes, intelligentes, les missiles, les torpilles. Elles servent à frapper l'ennemi en premier, à distance, pour l'immobiliser. Elles sont longues à produire, chères, et compliquées.

Pour les munitions simples, la production française est infime, voire inexistante, en ce qui concerne les balles, qui ne sont plus produites en France depuis 1999. L'inflation et les tensions internationales rendent l'approvisionnement compliqué. Pour les munitions complexes, outre les questions de quantité, la France est dépendante de partenaires étrangers pour un certain nombre de composants. Et pour toutes les munitions, les délais de fabrications sont bien trop longs.

Et que proposent les députés ?

D'abord ils demandent à l'Etat, et par voie de conséquence à l'armée, de passer des commandes claires et régulières, qui vont leur permettre d'adapter et de rentabiliser les outils industriels, et d'avoir de la visibilité pour anticiper.

Ensuite, ils recommandent de relocaliser certaines productions, comme les balles petit calibre, les poudres et certains composants, notamment les semi-conducteurs, largement abandonnés. A condition d'assurer la rentabilité des filières. Puis, créer de nouvelles productions, comme les drones. Le ministère de la Défense a lancé deux appels d'offres.

Enfin, aménager les temps de travail des salariés de l’industrie de défense, pour permettre d'augmenter la production, créer même une réserve industrielle pour monter rapidement au créneau. Et ne pas oublier la recherche et développement, alors que la France souffre de sous-investissement dans l'innovation de défense.

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