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Le mot de l'éco. Territoires : la réalité des inégalités ou le portrait-robot de la France des "gilets jaunes"

Le mouvement des "gilets jaunes" a mis crûment en lumière la réalité des inégalités territoriales. C'est ce que souligne une étude du Conseil d'analyse économique, rattaché à Matignon.  

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Chaillou
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un blocage sur le périphérique de Caen (Calvados), le 18 novembre 2018.  (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Inégalités territoriales et mouvement des "gilets jaunes" : une réalité qu’a tenté d'éclairer le Conseil d'analyse économique, un organisme rattaché à Matignon, dans une étude qui vient d'être publiée, et qui dresse un portrait-robot de la France des "gilets jaunes". Les trois économistes qui ont travaillé sur cette étude y dressent une cartographie précise, une géographie du mécontentement qui donne une grille de lecture à l’émergence du mouvement des "gilets jaunes".  

Identifier les raisons du malaise

Face à ce mouvement inédit aux revendications hétéroclites, les chercheurs ont essayé d'identifier et de mesurer les raisons de ce malaise. Elles dépassent largement les seules explications économiques, comme l’emploi ou le pouvoir d'achat.  

Dans cette étude, les chercheurs ont recensé les communes où ont eu lieu des événements des rassemblements de "gilets jaunes", et ils les ont superposés à des indicateurs ultra-locaux : emploi évidemment, mais aussi, présence d'équipements et de services, publics et privés (les commerces notamment) ainsi que l'évolution de la fiscalité locale, le marché de l’immobilier et le nombre d'associations.  

Les conclusions de cette étude...

Finalement, ce n'est pas tant le niveau de ces indicateurs qui génère un sentiment de mal-être, c'est leur déclin qui est la source du malaise des habitants. On parle souvent de la disparition, de l’éloignement des services publics, médicaux surtout. On évoque moins celle des services privés : agences bancaires, librairies, commerces alimentaires. Or, cette étude souligne que les communes qui ont perdu leur dernière épicerie ont connu beaucoup plus d'événements "gilets jaunes" : 30% contre 8%, pour les autres communes.  

Les auteurs ont même chiffré le coût de cette perte pour le bien-être des habitants. Selon eux, cela équivaut à une baisse de plus de 2000 euros de revenu par an.  Autres équipements dont la disparition génère de l’anxiété, soulignent les auteurs, ceux qui relèvent de la culture : la librairie-papeterie ou le cinéma. Conclusion, la carte du mouvement des "gilets jaunes" se superpose à celles des villages, des petites villes, où l’emploi s'éloigne, où les commerces ferment et les lieux de socialisation disparaissent.    

...et les propositions 

D'abord, cibler les actions en identifiant les lieux où les pertes ont été les plus fortes, et plus généralement sortir des politiques d'aménagement du territoire basées exclusivement sur des critères économiques. Pour améliorer la qualité de vie de ces communes et de leurs habitants, il faut agir à un niveau ultra local pour recréer du tissu social, par exemple aider à l’ouverture d'une épicerie, d'un café, à l’installation d'un médecin.  

Les chercheurs mettent aussi en garde contre les excès du tout numérique pour les démarches administratives. Et ils s'interrogent sur le bien-fondé des exonérations fiscales, type zone de revitalisation rurale, censées attirer les entreprises. Elles ont représenté plus 300 millions d’euros en 2018, mais sans effet mesurable sur l’emploi et sur l’activité des communes concernées.  

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