Turquie : "Metamorfoz", ou quand le pouvoir turc se sert d'une série pour disqualifier un opposant emprisonné
Ce n'est pour une fois pas l'un de ces feuilletons romantiques ou historiques dont raffolent les Turcs et qui se vendent très bien à l'étranger. Metamorfoz, cette nouvelle série politique produite et diffusée par la chaîne d'Etat TRT narre l'histoire de Teoman Bayramli, un jeune militant antiraciste devenu capitaliste et complotiste après hérité de la fortune paternelle.
Mais derrière cette série se joue une vengeance politique, avec un but : nuire à un homme, bête noire du président Erdogan, Osman Kavala, à qui l'acteur de la série ressemble comme deux gouttes d'eau. Ce riche mécène turc connu pour ses activités dans le domaine de la culture et en faveur des minorités est incarcéré depuis 2017. Il a été condamné l’année dernière à la détention à perpétuité, sans remise de peine possible, au terme d’une véritable parodie de justice, et cela pour avoir prétendument voulu renverser le gouvernement. Et Metamorfoz vise, selon ses soutiens, à accréditer la thèse de sa culpabilité.
"Une entreprise de destruction de ma personne"
Certes, le personnage principal ne porte pas le nom de Kavala mais il en a les traits et l'enchaînement des événements est transparent pour les Turcs. Cette fiction copie le dossier d'accusation monté contre Osman Kavala sauf que, dans la série, le héros, traître et complotiste, est coupable de tout ce dont l'accuse la justice, alors que dans la réalité les charges pesant contre lui sont dénuées de tout fondement. La bande-annonce le montre par exemple marchant l’air farouche au milieu des manifestants de Gezi. Or, c’est justement ce dont est accusé Osman Kavala : avoir financé ces manifestations qui ont ébranlé le pouvoir d’Erdogan il y a 10 ans. Pour cela, le philanthrope a été arrêté et condamné une première fois, avant que les charges ne soient abandonnées, faute de preuves.
Pour autant, Osman Kavala est toujours incarcéré, car la justice l’a ensuite accusé de complot contre l’ordre constitutionnel. Cette fois-ci, c’est la tentative de coup d’Etat de 2016 que le pouvoir a dans le viseur. Une condamnation une nouvelle fois sans aucun fondement juridique.
La communauté internationale s’émeut, la Cour européenne des droits de l’homme exige sa libération depuis des années et Osman Kavala parle d’assassinat judiciaire. Il a protesté depuis sa prison contre Metamorfoz, une entreprise de destruction de sa personne, dit-il, bourrée de théories du complot. Et c’est la télévision publique TRT, considérée désormais comme un organe de propagande au service du gouvernement, qui a financé la série. L’avenir des prisonniers politiques ou d’opinion reste très sombre en Turquie.
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