Tensions en Méditerranée : quelle réponse européenne face à la Turquie ?
Le "Med7" réunit pour deux jours en Corse, autour de la France, les pays du sud de l'Union européenne. Au menu du jeudi 10 septembre : les tensions croissantes avec la Turquie en Méditerranée orientale.
On parle d'un tout petit bout de mer, tout à l'est, un mouchoir de poche où les Turcs et les Grecs ont décidé de jouer à la bataille navale. Une zone, autour de Chypre, où se cachent d'énormes réserves de gaz. Évidemment la Turquie n'a pas envie que ça lui passe sous le nez ! Avec ses 80 millions d'habitants et ses 1 500 kilomètres de côtes sur la Méditerranée, elle entend bien exploiter ces gisements.
Alors elle profite d'un certain flou du droit international sur le partage des eaux pour envoyer sur zone, depuis quelques années déjà, ses bateaux de forage et d'exploration, escortés par des navires de l'armée. Sauf qu'en face, il y a la Grèce qui elle aussi veut sa part du gâteau et n'a pas l'intention de se laisser faire. Elle explique, haut et fort, que ces gisements sont situés dans "sa" zone maritime et relèvent de sa souveraineté exclusive.
Navires de guerre et avions de combat
Comment sortir de cette situation ? Chacun montre ses muscles, joue l'intimidation. Le 5 septembre, Recep Tayyip Erdogan disait aux Grecs et aux Chypriotes : "Ils vont comprendre que la Turquie est assez forte politiquement, économiquement et militairement pour déchirer les cartes et les documents immoraux." Sur le terrain, cet, été les deux parties ont déployé leurs plus beaux navires de guerre et leurs avions de combat. La France s'y est mise elle aussi, en envoyant une frégate aux côtés d'Athènes, ce qui n'a pas franchement contribué à calmer l'agressivité d'Ankara.
"Ils vont comprendre que la Turquie est assez forte pour déchirer les cartes (...) Ils vont comprendre soit par le langage de la politique et de la diplomatie, soit sur le terrain via d'amères expérience": le président Erdogan a émis hier de nouvelles menaces envers la Grèce #AFP pic.twitter.com/XU2v7YtaKR
— Agence France-Presse (@afpfr) September 6, 2020
En mer ou dans les airs, tout ce beau monde ne cesse de se frôler et de se provoquer. Il devient urgent de calmer le jeu avant un incident du genre "touché coulé", qui entraînerait toute la région dans un engrenage militaire. "Le danger d’un incident n’est pas à exclure quand tant de forces armées se concentrent dans un espace aussi réduit", a averti le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis.
Les sujets de dissension s'accumulent
Comment apaiser ces tensions? C'est ce que vont étudier les dirigeants espagnols, portugais, italiens, grecs, maltais et chypriotes qui se retrouvent jeudi 10 septembre autour d'Emmanuel Macron. Mais y aura-t-il consensus sur l'attitude à adopter face à la Turquie ? La France, qui se veut garante de la souveraineté européenne face aux offensives turques aimerait que tous, au sein des 27, soient sur la même ligne de fermeté face au président Erdogan. Parce que les sujets de dissension s'accumulent : il n'y a pas que les explorations en Méditerranée, il y a aussi le positionnement turc en Libye (transfert massif d’armements en soutien du gouvernement de Tripoli), la gestion des flux migratoires, la répression de la minorité kurde, des atteintes croissantes à la liberté d'expression depuis la tentative de coup d'État il y a 4 ans...
Des sanctions contre Ankara ?
Si les Européens réussissent à accorder leurs violons, des sanctions contre Ankara pourraient être annoncées lors du prochain Conseil européen le 24 septembre. "C’est un débat qu’il faut avoir", dit l’Élysée, tout en soulignant que les sanctions ne sont "pas une fin en soi, mais un instrument". Faut-il interdire l’accès des navires turcs à leurs ports ? Formellement suspendre les discussions avec Ankara sur une adhésion à l'Union européenne chaque jour plus hypothétique ? Ou au contraire trouver un compromis, pour ne pas couper les ponts avec un partenaire incontournable, comme l'Allemagne le préconise ? Le président du conseil, Charles Michel, penche pour une "politique de la carotte et du bâton" envers Ankara. Il plaide pour la tenue d'une grande conférence internationale impliquant l’ensemble des parties concernées. Quelle que soit la voie choisie... une clarification est nécessaire.
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