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Sergueï Lavrov au Mali : Bamako et Moscou officialisent leur idylle

C'est une visite présentée comme "historique" par les deux pays. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, était au Mali mardi 7 février, pour afficher l'entente parfaite entre Moscou et Bamako. Et reléguer la France aux oubliettes.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
 Sergei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères à Bamako (Mali), le 7 février 2023. (HANDOUT / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY via AFP)

Le cérémonial qui a été réservé à Sergueï Lavrov était digne d'un chef d'État : accueil devant les caméras dès sa descente d'avion, remise de la médaille de Commandeur de l'Ordre national et surtout long tête-à-tête avec le chef de la junte, le colonel Goïta, qui salue "la qualité d’un partenariat sincère orienté vers la défense de nos intérêts". Difficile de faire plus clair.

Serguei Lavrov n'est pas venu au Mali en simple ministre des Affaires étrangères, il est venu acter le remplacement de la France par la Russie, que ce soit dans le domaine économique ou militaire.

Des engagements plein les bras

Le ministre des affaires étrangères a d'abord promis d'intensifier l'aide de Moscou dans la lutte contre les jihadistes d'Al Qaïda et de l'État islamique. Non seulement au Mali, mais aussi dans toute la zone sahélienne – ce que l'armée française n'a pas su faire. Ce qui passe par de nouvelles livraisons d'armes (la Russie a déjà fourni en décembre et en janvier des avions et des hélicoptères de guerre au Mali) mais aussi par l'envoi "d'instructeurs" (le terme officiel pour les mercenaires de Wagner, qui sont déployés depuis deux ans déjà et régulièrement accusés d'exactions contre les civils).


Sur le plan économique, la Russie veut devenir un fournisseur régulier de produits stratégiques comme les hydrocarbures et les céréales. Un premier accord est en cours de finalisation sur "35 000 tonnes d’engrais et 50 000 tonnes de blé". Sur le plan diplomatique, aussi, le rapprochement s'accélère : le colonel Goïta doit participer un sommet Russie-Afrique cet été à Saint-Pétersbourg.

Finies les justifications

Cette alliance se fait clairement contre les Occidentaux. Le chef de la diplomatie malienne est sans ambiguïtés : "Nous n'allons pas continuer à nous justifier pour le choix de nos partenaires". 

Comme d'autres pays africains, le Mali dénonce les sanctions prises contre la Russie en raison de la guerre en Ukraine. Et acquiesce aux mots de Serguei Lavrov qui critique "l'approche néo-coloniale" des Occidentaux, un véritable mantra qu'il a répété tout au long de ses différents voyages en Afrique (neuf pays visités ces sept derniers mois).


Et puisque la symbolique se cache surtout dans les détails, Serguei Lavrov a reçu en cadeau une magnifique épée à double tranchant utilisée dans la tradition touareg pour protéger l'honneur. Son nom ? "Takouba". C'est le nom qui avait été choisi pour les forces européennes qui devaient aider le Mali dans sa lutte contre le terrorisme. "Takouba" est désormais entre les mains des Russes. "Je vais la garder à portée de main", a même plaisanté le ministre russe des Affaires étrangères. Aucun cadeau n'est trop beau pour le nouvel allié de Bamako. 

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