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Pourquoi TikTok est-il devenu indésirable dans les téléphones des fonctionnaires américains et canadiens ?

Aux États-Unis, TikTok chez les fonctionnaires, c'est fini ! Les agences fédérales ont 30 jours pour supprimer l'application du téléphone de leurs salariés.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le logo TikTok et le drapeau américain. (NICOLAS ASFOURI / AFP)

Cette décision découle d'une loi votée fin décembre, qui interdit l'usage de TikTok dans les administrations. Le Pentagone et le département d'État l'appliquent déjà, mais aujourd'hui la Maison Blanche demande donc à toutes les agences gouvernementales de se mettre en règle.

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Autrement dit de supprimer l'application si elle est déjà installée sur les portables professionnels des employés et, si elle ne l'est pas, d'interdire son installation. Décision qui ne fait que suivre une tendance générale : plus de la moitié des États américains ont déjà interdit TikTok à leurs fonctionnaires au niveau local.

Cette interdiction américaine est d'ailleurs loin d'être un cas isolé. La semaine dernière, c'est la Commission européenne qui a interdit TikTok à ses 33 000 salariés. Applicable au plus tard le mercredi 15 mars, pour les téléphones professionnels, mais aussi pour les téléphones personnels où seraient déjà installées des applications utilisées pour le travail, type messagerie électronique ou appels en visio. Le Conseil de l'Union européenne, dont le personnel compte environ 3 100 personnes, a suivi. 

"Nous sommes déçus par cette décision, que nous pensons être malavisée et fondée sur des idées fausses fondamentales", a déclaré un porte-parole de TikTok. "Nous sommes surpris que la Commission ne nous ait pas contactés directement, ni offert d'explication. Nous l'avons contactée pour rétablir la vérité et expliquer comment nous protégeons les données des 125 millions de personnes à travers l'UE qui viennent sur TikTok chaque mois." Le groupe prévoit l'ouverture à Dublin d'un "centre européen de transparence et de responsabilité".

Au Canada, une mesure d'urgence

À Ottawa, le gouvernement a annoncé en urgence la même mesure lundi 27 février, au nom d'un "niveau de risque inacceptable" pour la vie privée et la sécurité. Les relations entre la Chine et le Canada se sont fortement dégradées ces dernières années, notamment après l’arrestation par le Canada (à la demande des États-Unis) de la directrice financière de Huawei Meng Wanzhou en 2018.

Le commissariat canadien à la protection de la vie privée a annoncé avoir lancé une enquête visant à établir si TikTok est bien conforme aux lois canadiennes, en vérifiant notamment que l'appli a obtenu "un consentement valable pour la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels".

Le sujet a même intéressé les Twittos indiens (en Inde, aussi, TikTok a été bannie) : cet internaute explique que "l'Amérique et les pays européens ont admis qu'il existe une forte possibilité de violation de la vie privée et d'espionnage. TikTok est une menace pour la sécurité nationale". 

Aux Pays-Bas depuis janvier, le gouvernement est lui fortement incité à ne plus utiliser l'appli pour communiquer. Mais la plupart des autres pays de l'Union européenne ont jusqu'à présent évité d'interdire l'utilisation de TikTok.

TikTok, outil d'espionnage ?

Si, on le sait, TikTok est une plate-forme où l'on peut faire défiler à l'infini des vidéos très courtes, pas toujours intéressantes, le vrai problème, c'est qu'elle appartient à ByteDance. Et comme tous les géants chinois de la tech, ByteDance est sous le contrôle des autorités. 

Dans un contexte de tensions croissantes avec Pékin, les Américains (et de façon plus large, les occidentaux) craignent que TikTok se transforme en outil d'espionnage, car l'application voit tout dans votre téléphone : micro, géolocalisation, photos, documents.

En fin d'année 2022, TikTok a d'ailleurs reconnu que ses employés pouvaient consulter les données des utilisateurs, et même confirmé que ça avait été le cas pour deux journalistes américains qui avaient écrit sur l'entreprise, à la suite d'une enquête publiée en décembre par le magazine Forbes (en anglais). Mais le groupe assure que le gouvernement chinois lui n'a pas accès à ces informations.

Vers une interdiction totale ?

Parlons chiffres : TikTok, c'est 1 milliard d'utilisateurs actifs dans le monde (à la sixième place des plateformes sociales les plus utilisées, selon le dernier rapport de We Are Social, sur l'évolution du numérique, publié en janvier), dont 100 millions aux États-Unis. Autant dire que les fonctionnaires ne représentent qu'une toute petite proportion des utilisateurs.

C'est pour cela que, depuis longtemps, même avant l'affaire du ballon espion chinois - le mois dernier – certains élus américains réclament l'interdiction pure et simple de TikTok, y compris pour le grand public. Ce que réclamait déjà Donald Trump en 2020.

Conscient que le vent est en train de tourner. Le PDG de l’application, Shou Zi Chew, a déjà fait le voyage à Bruxelles. Jeudi  23 mars, il passe son grand oral devant le Congrès, où il va devoir donner de sacrées garanties de sécurité. Faute de quoi TikTok devra vraisemblablement se séparer de son propriétaire chinois s'il veut continuer à se développer aux États-Unis.

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