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Les touristes russes, persona non grata en Europe ?

Les Russes vont devoir s'accrocher pour faire du tourisme en Europe : obtenir un visa sera désormais plus long, plus compliqué, plus cher. Décision prise ce 31 août par les 27 au titre des sanctions liés à la guerre en Ukraine. Même si certains pays de l'Union sont déjà allés beaucoup plus loin.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les douaniers contrôlent les voitures russes au poste-frontière de  Lappeenranta (Finlande), le 28 juillet 2022. (ALESSANDRO RAMPAZZO / AFP)

La Finlande, elle, a fait un choix plus radical. Depuis que les vols entre la Russie et l'Europe sont suspendus, la Finlande, grâce à ses 1 300 km de frontière commune, est devenue "la" porte d'entrée des Russes sur le territoire européen. Les cars venus de Saint-Pétersbourg y font des rotations en permanence, encore plus depuis la levée des dernières restrictions liées au Covid mi-juillet.

Voir ces touristes faire du shopping dans les boutiques de luxe ou filer à l'aéroport d'Helsinki pour prendre un avion vers un autre pays de l'espace Schengen est amoral, dit l'opinion publique qui s'émeut. Un parti politique a même payé un énorme panneau d'affichage près du poste frontière, on peut y lire : "Pendant que vous vous êtes en vacances, les Ukrainiens eux n'ont plus de maison". La ville de Lappeenranta, elle, diffuse chaque jour l’hymne national ukrainien près des centres commerciaux fréquentés par les Russes. Une pétition a été lancée pour obtenir la suppresion des visas.

Passer de 1 000 à 100 visas par jour

Réduire ces flux a un coût économique bien sûr mais le gouvernement n'a pas eu d'état d'âme. Jusqu'ici l'administration examinait 1 000 demandes de visa par jour, à partir d'aujourd'hui elle passe à une centaine seulement. Pour cela pas besoin d'imposer des quotas, il suffit de changer les procédures et créer un goulot d'étranglement : les demandes ne sont plus acceptées que dans quatre ambassades ou consulats finlandais : à Moscou, Mourmansk, Petrozavodsk et Saint-Pétersbourg. Les services ne seront ouverts qu'un jour par semaine, avec priorité accordée aux visas de travail, pour les étudiants ou les familles.

La Finlande n'est pas la seule à aller plus loin que la décision prise par les européens. La Pologne, la République tchèque et les trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), ont eux aussi durci leur régime de visas à des degrés divers. 

Tous aimeraient surtout que les 27 aillent plus loin puisque la mesure adoptée hier se contente de complexifier mais pas d'interdire la délivrance de visas. L’Estonie estime notamment que "visiter l’Europe est un privilège, pas un droit humain".

France et Allemagne refusent d'aller trop loin

Sauf que si l'Europe a trouvé ce compromis, c'est parce d'autres pays refusent des mesures radicales. La France et l'Allemagne notamment. On est vraiment sur une ligne de fracture Est / Ouest. Aux yeux de Paris et Berlin, punir les citoyens, les artistes, les intellectuels qui ont les moyens de voyager serait totalement contre-productif. Parce qu'il faut garder des contacts avec la société civile, avec les Russes les plus ouverts à l'Europe.

L'Autriche et le Luxembourg sont sur la même ligne : attention, disent leurs dirigeants à "ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain" ou à créer "un nouveau rideau de fer en Europe". 

Face à ce gel des visas, les touristes habitués à voyager sont désemparés. Mais même si la classe moyenne s’est largement développée, ils restent une minorité.

Le porte-parole du Kremlin, lui, dénonce "une irrationalité qui frôle la folie" : "Petit à petit, Bruxelles comme les capitales européennes affichent un manque total de jugement". Avant même l'annonce du mercredi 31 août, prise à l'issue de deux jours de pourparlers, Dmitri Peskov menacait l'europe de représailles. Sans préciser lesquelles.

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