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Les ONG s'opposent à l'entrée de l'Arabie saoudite, la Chine et la Russie au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU

L'Arabie saoudite, la Chine et la Russie pourraient faire leur entrée au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. Incompréhensible pour les ONG de défense des droits de l'Homme.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, le 19 juin 2020. (FABRICE COFFRINI / POOL)

Mardi 13 octobre, l'Assemblée générale de l'ONU va faire entrer 15 nouveaux pays au Conseil des droits de l'Homme. 

L'instance basée à Genève vote des résolutions non contraignantes mais qui peuvent pourtant influencer la politique des États. Les 47 membres de l'organisation sont renouvelés par tiers tous les 3 ans. 

La possible entrée de l'Arabie saoudite, de la Chine et de la Russie révolte les ONG de défense des droits de l'homme. "Élire des dictatures comme juges des Nations Unies en matière de droits de l’homme, c’est comme faire entrer une bande de pyromanes dans une brigade de pompiers" : cette phrase du directeur général de UN Watch, une ONG basée à Genève, résume assez bien l'état d'esprit ambiant alors que l'institution se vide un peu plus de son sens chaque année. 

Le débat sur la légitimité de ce Conseil n'est pas nouveau. Au début des années 2000, il a été réformé par l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, justement pour empêcher son noyautage par des régimes autoritaires... Et les Etats-Unis s'en sont retirés en 2018.

Ryad, Moscou et Pékin ont déjà siégé

L'élection fonctionne par groupe : chacun postule pour sa zone géographique. Quelques pays sont donc assurés d'avoir un siège : la France, la Grande-Bretagne, mais aussi la Russie, le Gabon et Cuba. Dans le groupe Asie, il y a cinq candidats pour quatre places : les votants devront départager l'Arabie saoudite, la Chine, le Népal, le Pakistan et l'Ouzbékistan.

Riyad, comme Moscou et Pékin, ont déjà siégé au conseil, suscitant à chaque fois chaque fois l'indignation des ONG. Cette année les dissidents de ces différents pays ont demandé à l’ONU de "ne pas encourager un sentiment d’impunité qu’elle est censée combattre", et de ne pas accepter des États qui sont coupables de violations des droits de l'Homme, cherchant également à saper l'autorité de l'organisation plutôt qu'à la défendre.

Lors de cette session du Conseil des droits de l'homme, trente-trois pays ont notamment dénoncé les violations des droits des Saoudiens et ont appelé à la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement.

Il y a quatre ans, l'ONU avait d'ailleurs inscrit l'Arabie saoudite sur la liste noire des pays qui violent les droits des enfants dans les conflits, en raison de son implication dans la guerre au Yémen et des bombardements sur les civils. Ryad avait alors menacé de couper les ponts avec l'ONU et de retirer tous ses fonds qui financent différentes agences des Nations Unies, plus d'une centaine de millions de dollars. L'ONU avait fini par la retirer de la liste.

Coupables de violations des droits de l'Homme

Pour ce qui est de la candidature de la Chine, plus de 400 organisations de la société civile de plus de 60 pays ont lancé un appel mondial. Le 6 octobre, 39 États ont fait écho à ces appels dans une déclaration commune aux Nations Unies exprimant la profonde inquiétude que suscitent les abus du gouvernement chinois. 

La semaine du 5 octobre, quand 39 pays conduits par l’Allemagne ont critiqué la Chine aux Nations Unies sur le sort des musulmans Ouighours au Xinjiang, Pékin a riposté en alignant de son côté 59 pays pour soutenir sa position.

La candidature de la Russie, elle aussi, est contestée. Entre les prisonniers politiques, la tentative d’empoisonnement d’Alexeï Navalny, les bombardements contre des civils en Syrie au côté de Damas, la possible entrée russe au Conseil fait grincer des dents.

Surtout qu'à l'ONU, Moscou a utilisé 16 fois son droit de veto pour permettre à la Syrie d'utiliser des armes chimiques, et pour bloquer le renvoi du dossier devant la Cour pénale internationale. Son entrée ne devrait pas permettre de redonner de la légitimité à une instance où la voix de la France est souvent absente.

Aux yeux des ONG comme Human Rights Watch, la France n’a en effet été ces dernières années "ni proactive ni constructive dans la défense des droits humains, au contraire". Sa stratégie, vouloir que l’UE s’exprime d’une seule voix, a conduit Paris à rester à l'écart de certaines décisions. 

La France n’a pas non plus pris l’initiative pour des projets de résolution ou de déclarations conjointes sur des pays difficiles comme l’Arabie saoudite ou l’Égypte, "alors que des pays plus petits avec une influence internationale bien moindre ont fait preuve d’un tel leadership". 

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