Le Liban, pays au bord de l'effondrement
Faute d'argent public, le pays tout entier risque aujourd'hui de se retrouver privé d'électricité. Le Liban traverse une crise socio-économique sans précédent. La communauté internationale met la pression.
C'est la menace brandie jeudi 11 mars par le ministre de l'Énergie : sans une injection immédiate et massive d'argent public, la Compagnie nationale d'électricité ne pourra plus acheter le carburant dont elle a besoin pour alimenter ses centrales. D'ici la fin du mois le pays tout entier risque la coupure générale. Et ce n'est pas une menace en l'air. Cela fait pourtant 40 ans que les Libanais sont équipés de générateurs qui tournent déjà six, huit voire 10 heures par jour pour compenser les pannes d'un secteur défaillant. Mais il était difficile d'imaginer qu'on en arriverait à ce scénario surréaliste
Un paquet de pâtes à 5 euros
C'est une situation emblématique de la dérive actuelle du Liban : État dysfonctionnel, paralysé par une classe politique incompétente et corrompue, incapable depuis sept mois de former un gouvernement, empêtrée dans ses querelles confessionnelles et surtout complètement dépassée par la crise économique.
Les prix de la nourriture et des produits de première nécessité, quasiment tous importés, s'envolent jour après jour : un simple paquet de pâtes vaut aujourd'hui plus de cinq euros alors que le salaire minimum est tombé à environ 60 euros, un niveau équivalent à celui de l'Afghanistan.
️ « Nous n’avons pas d’électricité depuis deux semaines, le dollar est à 10 000 LL, il n’y a pas de travail pour les Libanais. On entre au supermarché avec 100 000 livres et on en ressort endetté de 200 000 ». #Liban https://t.co/W2eJq3kAqw
— L'Orient-Le Jour (@LOrientLeJour) March 3, 2021
Ce pays, qu'on appelait "la Suisse du Moyen-Orient", est aujourd'hui en défaut de paiement. En deux ans la livre libanaise a perdu 85% de sa valeur face au dollar, dépassant, pour la première fois de son histoire, le seuil historique de 10 000 livres pour un dollar au marché noir.
Selon l'ONU, la population prise dans la spirale de la pauvreté est passée de 28 à 55%. Plus d'un habitant sur deux ! La classe moyenne, elle, ne cherche plus qu'à émigrer.
Le Covid, le coup de grâce
Dans ce contexte, en période de Covid se soigner est devenu un défi permanent : certains malades n'ont pas assez d'argent pour être admis à l'hôpital, d'autres dépensent des fortunes pour se fournir en oxygène à domicile.
Les contaminations atteignent à nouveau des sommets, alors que le Liban sort à peine de longues semaines de confinement. Des manifestations de colère ont repris avec violence ces derniers jours notamment dans la ville de Tripoli. Même si les foules sont moins nombreuses (mais davantage désabusées ?) qu'au printemps 2019, quand elles réclamaient le départ de toute la classe politique.
"Non-assistance à pays en danger"
À tel point que la communauté internationale, France en tête, remet un coup de pression sur les dirigeants. Parce qu'elle voit, avec "colère", "angoisse" et "tristesse" la situation se dégrader. Ce sont les mots très forts prononcés ce 11 mars à Paris par Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères.
Sur le #Liban, je suis partagé entre la tristesse, la colère et l’angoisse. Nous ne pouvons pas nous substituer aux forces politiques libanaises qui, pour le moment, se rendent responsables de non-assistance à pays en danger. Il est encore temps d’agir, demain il sera trop tard. pic.twitter.com/narHfBd2OB
— Jean-Yves Le Drian (@JY_LeDrian) March 11, 2021
Ce n’est pas la première fois que la France fait part de ses remontrances aux responsables politiques libanais. Jean-Yves Le Drian avait déjà été très clair l'été dernier, évoquant une menace sur l’existence même du Liban.
Pression internationale
Deux fois de son côté le président français s'est rendu à Beyrouth après la double explosion au port l'été dernier qui a ravagé toute une partie de la capitale. Un dossier dans lequel l'absence d'Etat s'est illustré de façon criante.
Emmanuel Macron a tenté - sans succès - d'obtenir la formation d'un gouvernement prêt à engager des réformes. Condition sine qua non pour que la communauté internationale débloque son plan d'aide et cesse de signer des chèques en blanc.
Les États-Unis, via le porte-parole de leur diplomatie, eux aussi ont exprimé ce 11 mars leur "préoccupation" face à "l'inaction des dirigeants". Il y a quelques semaines, la Banque mondiale parlait quant à elle de "dépréciation volontaire" pour décrire l’effondrement de la monnaie nationale et l’inertie politique.
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