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La Turquie s’enflamme contre la condamnation à vie d’Osman Kavala

Des milliers de personnes ont bravé les forces de l'ordre pour crier leur colère. Ce n’était plus arrivé depuis le coup d’État de 2016.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des milliers de Turcs sont descendus dans la rue mardi 26 avril 2022 pour protester contre la condamnation à perpétuité d'Osman Kavala. (YASIN AKGUL / AFP)

La condamnation à la prison à perpétuité d’une figure culturelle turque, Osman Kavala, crée l'émotion en Turquie et dans le monde. Mardi 26 avril au soir, à Istanbul, Ankara et Izmir quelques milliers de personnes ont bravé les forces de l'ordre et sont descendues dans la rue crier leur colère. Pancartes, banderoles et slogans réclament "Justice" et appellent à la résistance face au pouvoir. Ces rassemblements sont d'autant plus exceptionnels qu'en Turquie depuis la tentative de coup d'État de 2016, on ne manifeste plus du tout.

Osman Kavala n'est pas un opposant politique classique. C'est d'abord une figure de la société civile. Il naît à Paris, étudie en Angleterre et de retour au pays dans les années 1980, il monte une maison d'édition, puis une fondation. Il finance des projets culturels (évènements, conférences, spectacles, expositions) qui abordent des thèmes sensibles comme le génocide arménien ou la question kurde. En 2013, Osman Kavala soutient les grandes manifestations pacifiques contre le gouvernement qui ont lieu dans le parc de Gezi, à Istanbul. Il essaie même de servir de médiateur avec le pouvoir, mais il devient la bête noire du régime, qui l'accuse, entre autres, de tentative de coup d'État et d'espionnage. 

Osman Kavala avait fini par être acquitté, puis immédiatement ré-emprisonné, accusé cette fois d'avoir trempé dans le coup d'État raté de juillet 2016. Les juges qui l'avaient acquitté ont également été poursuivis. Osman Kavala, qui a aujourd'hui 64 ans, a toujours nié les charges qui pèsent contre lui. En prison depuis quatre ans et demi, période pendant laquelle il n'a jamais vu aucun magistrat, il est le symbole de la répression de la société civile de la part d’un régime autocratique qui s’est affranchi de toutes ses obligations, notamment en matière de droits de l’homme et de respect de l’état de droit.  

Osmane Kavala a donc été condamné à la perpétuité  lundi 25 avril, qui plus est sans possibilité de remise de peine. Sept personnes comparaissaient avec lui, architecte, cinéaste, universitaire ou fondateur d’ONG.... Ils ont pris 18 ans et l'ont rejoint dans un prison haute sécurité près d'Istanbul. Devant les juges, Osman Kavala a dénoncé un "assassinat judiciaire" fondé sur les théories du complot et l'influence du président Recep Tayyip Erdogan sur son procès.  

En pleine guerre d’Ukraine, alors que la Turquie est membre de l’Otan, le dirigeant turc n’hésite pas à défier ses partenaires occidentaux. Car ces condamnations font réagir le monde entier : Amnesty International dénonce une "parodie de justice", les États-Unis, l'Allemagne, la France parlent d'une condamnation injuste et réclament sa libération. Or "en ces temps difficiles, protéger et défendre nos valeurs communes, en particulier la protection des droits de l'homme, est plus important que jamais", rappelle le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.  

En 2019, La Cour européenne des droits de l'homme (organisme lié au Conseil de l’Europe auquel appartient la Turquie) a jugé que la détention d'Osman  Kavala en l'absence de preuves suffisantes était "abusive", ne reposait sur aucun élément solide et visait avant tout à le réduire au silence et à dissuader les défenseurs des droits humains. Erdogan, en quête de reconnaissance internationale aurait pu gagner une manche en faisant un geste. Mais il a fait d'Osman Kavala une affaire personnelle. En refusant d’exécuter l’arrêt qui réclamait sa libération, le gouvernement turc manque à ses obligations internationales. Il risque les sanctions. Mais les membres du Conseil de l’Europe ont du mal à franchir le pas, de peur que la Turquie ne claque la porte. Dans un communiqué commun, deux eurodéputés allemand et espagnol, estiment que ce verdict "reconfirme le caractère autoritaire du système actuel" et en en profitent pour rappeler qu'il y a peu ou pas de perspective européenne pour la Turquie actuelle.

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