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La Croatie va payer ses expatriés pour qu’ils rentrent au pays, face au vieillissement de sa population

Une population qui vieillit, une natalité en baisse et une émigration importante : le cocktail est dangereux. Pour éviter le dépeuplement, la Croatie va proposer des mesures financières pour inciter ses ressortissants à revenir vivre dans le pays.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La statue de Ban Jelacic sur une place de Zagreb (Croatie). (PHILIPPE GIRAUD / CORBIS HISTORICAL via GETTYIMAGES)

"La revitalisation démographique est une question vitale pour la Croatie dont la population est vieillissante", a déclaré la semaine dernière le Premier ministre Andrej Plenkovic. Tout est donc bon pour faire revenir du monde en Croatie. Le gouvernement a annoncé qu’il donnerait de l’argent aux expatriés qui acceptaient de rentrer. Nom de l'opération séduction : "J'ai choisi la Croatie". Simple, direct et efficace. Les Croates qui sont partis vivre à l'étranger se voient offrir jusqu'à 26 000 euros s’ils décident de rentrer au pays et de créer par exemple une entreprise.

Les jeunes sont notamment ciblés avec des bonus si ils reviennent pour travailler dans les secteurs du numérique ou de l'écologie, notamment en tant qu'autoentrepreneur. Ces secteurs ne sont pas mis en avant par hasard : ils sont à la mode et en plus, ils sont prisés par les Croates qui sont installés en Irlande

Forte émigration

Il y a plusieurs raisons pour expliquer ces mesures. En Croatie, la population vieillit, la natalité baisse et la crise économique dure. Beaucoup de Croates choisissent de partir vivre ailleurs en Europe pour trouver de meilleures conditions de vie. Depuis 2013, et l'adhésion à l'Union européenne, le pays perd tous les ans des habitants. Entre 250 000 et 350 000 personnes en près de dix ans, selon les sources. Certains experts estiment même que la Croatie aurait perdu jusqu’à 10% de sa population. Un nouveau recensement est prévu pour 2022.

Même l'année dernière, pendant la pandémie, des Croates sont partis vivre à l'étranger, soit un peu plus que le nombre d'étrangers venus s'installer en Croatie (qui arrivent surtout de Bosnie-Herzégovine). Ce phénomène n'est pas nouveau mais le gouvernement a décidé d'agir. Et quelle date a-t-il choisi pour faire cette annonce ? Les fêtes de fin d'années, alors que de nombreux Croates rentrent chez eux voir leur famille. Pourquoi ne pas leur donner envie de rester ?

Ce programme pourrait faire rentrer définitivement en Croatie entre 4 000 et 5 000 Croates. Le gouvernement croate prévoit aussi des sous pour promouvoir les déménagements à l'intérieur du pays. Une enveloppe pour ceux qui vivent en ville ou au bord de la mer et qui accepteraient de bouger dans des zones rurales dépeuplées. Ces chèques de retour seront lancés à partir du 1er janvier.

Cercle vicieux

Comment expliquer qu'un nombre si important de Croates quittent leur pays depuis 2013 ? Si vous leur posez directement la question, ils vous répondront que c'est parce que l'avenir est trop sombre en Croatie. Peu de travail, des salaires bas, alors ils partent en quête d’opportunités ailleurs en Europe. La majorité des Croates choisissent de s'installer en Allemagne et l'Irlande, des pays où, disent-ils, ils peuvent trouver du travail en adéquation avec leurs études, contrairement à la Croatie. Beaucoup sont aussi déçus des partis politiques et de la société croate. Trop de clientélisme et de corruption. En Croatie, les jeunes ont tendance à penser que les réseaux et la chance sont plus importants que les connaissances et les compétences pour parvenir au succès.

Ils dénoncent aussi les conditions de travail. Les entreprises croates peinent à recruter et font parfois peser le poids du travail sur ceux qui restent. L'un d'eux expliquait il y a quelques années dans la presse son déclic pour partir avec femme et enfants en Allemagne : "Une année, à cause du manque de personnel, mon patron m'a refusé mes congés." La goutte de trop. Et le cercle vicieux qui continue.

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