L'Ukraine dans l'Union européenne, une fausse bonne idée ?
Le destin de l'Ukraine se joue à Bruxelles. Ce jeudi 23 juin, les dirigeants européens devraient donner leur feu vert à une future adhésion du pays à l'Union européenne, en lui accordant le statut de "https://www.radiofrance.com/actualite/conference-france-allemagne-16-ans-damour-et-maintenantpays candidat".
L'Ukraine doit recevoir le feu vert des dirigeants européens à une future adhésion du pays à l'Union européenne. Il y a même consensus parmi les 27 (ce qui, au départ, n'était pas gagné). Cet empressement à répondre à la demande du président Volodymyr Zelensky ressemble pourtant davantage à un choix d'émotion que de raison.
Personne ne conteste le fait que - depuis 2014 - les Ukrainiens se battent avec un courage inouï contre la Russie pour préserver leur souveraineté. Qu'ils défendent des valeurs qui sont des valeurs européennes. Tendre la main à Kiev (comme d'ailleurs à la Moldavie) est un geste de solidarité nécessaire et évident. Mais si les 44 millions d'Ukrainiens intègrent un jour l'Union, ils vont profondément la transformer, et il faut en mesurer les conséquences.
Pas avant 10 ou 15 ans
Cette adhésion n'est pas pour tout de suite. Pas avant dix ans au mieux, voire 15 ou 20 ans. A titre de comparaison, la Serbie, qui a déposé son dossier en 2009, a dû attendre 2012 avant d'obtenir le statut de candidat et 2013 pour que les négociations soient lancées.
La décision prise à Bruxelles ce 23 juin a valeur de symbole. Elle est une première étape, mais ça ne veut pas dire que tout le processus se fera en accéléré.
D'autant que l'Ukraine a encore beaucoup de progrès à faire. D'après la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle a déjà adopté "environ 70 % des règles, normes et standards européens » : « une démocratie présidentielle et parlementaire très solide », « une administration publique qui fonctionne très bien et qui a permis de faire fonctionner le pays pendant cette guerre », une réforme de la décentralisation réussie et « une économie de marché pleinement opérationnelle ».
Mais sur l’indépendance de la justice ou la corruption, il va falloir d'autres réformes de fond. Kiev va s’engager à respecter les articles 49 et 2 du traité sur l’Union européenne, à appliquer le traité de Lisbonne et les critères de Copenhague, qui reposent sur des impératifs de stabilité politique et économique. Bien sûr la guerre a changé la donne mais il ne faut pas oublier qu'avant le conflit, l'Ukraine était encore un pays pauvre. Avec un revenu par habitant d'environ 3 000 euros par an, quatre fois moins qu'en Roumanie, qui est déjà le pays le plus pauvre de l'Union.
Quatre pays des Balkans dans la file d'attente
Si l'Europe dit "oui" à l'Ukraine, devra-t-elle forcément dire "oui" aux autres qui aspirent au rêve européen ? Aujourd'hui cinq pays sont officiellement candidats à l’adhésion. Il s'agit de la Turquie et de quatre États des Balkans occidentaux : Monténégro, Serbie, Albanie et Macédoine du Nord. La Turquie est un cas à part : son dossier de candidature a été ouvert en 1999, il y a 23 ans, mais les candidatures sont au point mort et le pays n'a jamais semblé aussi éloigné de l'Europe...
Tous les autres s'impatientent et ça semble compliqué de leur fermer la porte au nez. Pourquoi dire non à l'Albanie, qui depuis huit ans a engagé des réformes profondes ? Pourquoi dire non à la Macédoine qui fait déjà partie de l'Otan ? C'est ce qui va se discuter ce jeudi 23 juin à Bruxelles. Il s'agit d'éviter les frustrations et la lassitude. Avec un risque en ligne de mire, brandi par plusieurs capitales : élargir l'union peut entraîner une dilution du projet européen, au moment où les 27 se rendent compte que pour être efficace, plus forts, il vaut mieux se resserrer plutôt que s'élargir.
Le couple franco-allemand moins influent ?
L'intégration européenne de l'Ukraine peut avoir un impact pour la France : le centre de gravité de l'Europe va se déplacer vers l'est. Ce qui n'est pas une configuration idéale, ni pour la France ni pour l'Allemagne, qui donnent encore le "la" sur la scène européenne. Aujourd'hui quand Paris et Berlin s'opposent à certaines décisions, Il est compliqué de les faire adopter. Demain, alors que la majorité qualifiée s'appliquera de plus en plus souvent, le couple franco-allemand risque de perdre de son influence.
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