Immigration : les idées loufoques (mais pas drôles) du gouvernement britannique
Le Royaume-Uni, qui va se séparer de l'Union européenne en janvier prochain, réfléchit à sa future politique migratoire. Et le gouvernement a décidément de drôles d'idées en matière de lutte contre l'immigration illégale.
C'est le Financial Times qui, le premier, publie ces révélations : le gouvernement, dit-il, a très sérieusement réfléchi à envoyer les demandeurs d’asile dans des centres de rétention sur l’Ascension ou Sainte-Hélène, là où est mort Napoléon (déjà exilé par les Anglais). Deux îles qui dépendent de la couronne britannique, perdues dans l'Atlantique sud, à plus de 6 000 km des côtes anglaises.
Le gouvernement britannique envisage d’envoyer les migrants en détention dans des pays étrangers (dans ce dessin de Peter Brookes, The Times, London, Priti Patel ministre de l’Intérieur, propose de les envoyer sur la Lune si rien d’autre n’est possible) pic.twitter.com/8vncV5CCXL
— Gilles Klein (@GillesKLEIN) October 2, 2020
Face aux réactions outrées de l'opposition et des associations de défense des droits de l'homme, le ministère des Affaires étrangères a tenté de minimiser, évoquant des "problèmes de coûts et de logistique", sans compter les risques de dommages collatéraux au niveau diplomatique. Le Home Office a fini par reculer et tout nier en bloc.
Dans la foulée, The Guardian explique que Sainte-Hélène a finalement été rangée au placard au profit d'autres destinations jugées plus adaptées pour l'accueil les migrants : Moldavie, Maroc et Papouasie-Nouvelle-Guinée. Option là encore rejetée. Et le quotidien insiste : c'est bien Downing Street qui a eu cette idée – pas les services de l'immigration britannique, qui ont tenté au contraire de freiner les ardeurs du Premier ministre.
Des ferries transformés en centres de rétention...
Parmi les idées les plus loufoques répercutées par la presse : le déploiement, dans la Manche, de bateaux générant de grosses vagues pour forcer les embarcations de migrants à faire demi-tour. D'après le Times, l'exécutif a aussi imaginé de parquer les réfugiés sur d'anciennes plateformes pétrolières. Avant de retenir l'option de vieux ferries hors d'usage qui stationneraient au large, comme des centres de rétention offshore. On pourrait presque en rire si on ne parlait pas d'êtres humains ayant fui la guerre, dont le seul crime est de demander l'asile.
UK asylum: the offshore options officials were told to consider https://t.co/EUxk99VuCp
— The Guardian (@guardian) October 1, 2020
La maîtrise de l'immigration, sujet majeur pour le gouvernement
C'était déjà l'un des arguments des partisans du Brexit. Boris Johnson en fait un sujet récurrent, notamment depuis que les traversées de la Manche sont reparties à la hausse : 6 200 tentatives depuis le début de l'année, à bord de bateaux pneumatiques, de kayaks... voire de bouées.
Les demandeurs d'asile qui arrivent par la mer ne sont pas les plus nombreux au Royaume-Uni, loin de là, mais le gouvernement en a fait sa priorité. En août, la très offensive ministre de l'Intérieur, Priti Patel, a promis de rendre cette route "impraticable". L'objectif affiché du gouvernement : créer un "environnement hostile" pour décourager l'immigration illégale
L'exemple contesté de l'Australie
Le Royaume-Uni s'inspire notamment de l'Australie, qui n'accepte aucun réfugié sur son sol. Même ceux qui remplissent les critères du droit d'asile sont envoyés, le temps que leur demande soit examinée, sur l'île-Etat de Nauru, en plein Pacifique sud, ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans des centres de rétention dont les conditions inhumaines sont régulièrement dénoncées par l'ONU.
“#Australia’s human rights record is blemished by punitive approach to #migrants” – UN rights expert https://t.co/S6iMM0DdsT pic.twitter.com/dZ6pXg0GHI
— UN Human Rights (@UNHumanRights) November 18, 2016
L’influence de l'ancien Premier ministre Tony Abbott, connu pour son intransigeance en matière d'immigration, est sans doute une des raisons qui expliquent le positionnement du gouvernement britannique. Nommé conseiller pour le gouvernement Johnson, il a rencontré Priti Patel. Boris Johnson, lui, garde la main. Sur cette question migratoire, il a encore l’opinion publique pour lui.
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