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Etats-Unis : qui est le complotiste Alex Jones, condamné à payer prÚs d'un milliard de dollars aprÚs avoir nié une tuerie dans une école ?

La lourde condamnation d'une figure du complotisme aux Etats-Unis : Alex Jones, qui ne reconnaissait pas la réalité d'une fusillade dans une école, doit payer prÚs d'un milliard de dollars aux familles des victimes.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'une des figures du complotisme aux Etats-Unis, Alex Jones lors d'un discours Ă  Richmond, en Virginie le 20 janvier 2020. (SHAWN THEW / EPA)

C'Ă©tait le 14 dĂ©cembre 2012, Ă  Sandy Hook, dans le Connecticut. Un jeune homme armĂ© d'un semi-automatique fait irruption dans l'Ă©cole primaire de la ville. Il abat 20 enfants et 6 membres du personnel. L'une des pires tueries qu'ait jamais connu le pays. À l'Ă©poque, Alex Jones se marre. Sur le site internet, qui lui permet de vomir sa propagande, Infowars, cette figure du complotisme aux Etats-Unis explique que les parents Ă©plorĂ©s sont en rĂ©alitĂ© des acteurs, que le massacre n'est qu'une mise en scĂšne orchestrĂ©e par le gouvernement et les opposants aux armes Ă  feu.

Le militant d'extrĂȘme-droite finira par ĂȘtre banni de nombreux rĂ©seaux sociaux et par admettre publiquement la rĂ©alitĂ© de la tragĂ©die. Mais sa thĂ©orie conspirationniste s'est rĂ©pandue et, pendant des annĂ©es, ses fans iront jusqu'Ă  harceler les familles, les menacer de mort ou de viol. Certains leur ont mĂȘme envoyĂ© des messages menaçant de souiller et de dĂ©terrer les tombes des victimes.

Un verdict historique

Ces familles, qui ont portĂ© plainte, obtiennent aujourd'hui rĂ©paration : 965 millions de dollars trĂšs prĂ©cisĂ©ment pour diffamation et prĂ©judice moral. Cela montre "qu'internet n'est pas le Far West", dit un homme dont la femme a Ă©tĂ© tuĂ©e Ă  Sandy Hook, "que les actes ont des consĂ©quences". "Le simple fait d'arriver Ă  un procĂšs devant un jury est un Ă©norme accomplissement, Ă©tant donnĂ© les mesures extrĂȘmes qu'Alex Jones a prises pour tenter de l'Ă©viter", a dĂ©clarĂ© Alinor Sterling, une avocate des familles relayĂ©e par le New York Times. Un autre avocat, Chris Mattei, promet de faire "appliquer" ce verdict "historique". 

Ce qui n'est pas gagnĂ©. Alex Jones, qui a toujours son site internet (et officie depuis le Texas), s'est permis un live stream lors la lecture du verdict. Pour dire qu'il ne lĂącherait rien. Et tandis que le juge Ă©grĂšne la litanie des condamnations, tandis que dans la salle d'audience les familles de Sandy Hook qui ont perdu un enfant pleurent en se prenant la tĂȘte dans les mains. Alex Jones commente et se moque "Allez, faites monter les prix".

"Ils ont couvert ce qui s'est rĂ©ellement passĂ©, et maintenant je suis le diable". "Je suis en fait fier de subir ce niveau d'attaque". "Vous savez quoi ?" dit-il Ă  ses soutiens. "On a pas peur et on va pas pas arrĂȘter. Je peux faire appel. Et avec quelques centaines de milliers de dollars, je peux les garder des annĂ©es devant les tribunaux. Ces milliards qu'ils rĂ©clament, c'est une blague".

Le complotiste qui défend férocement le deuxiÚme amendement de la Constitution incite ensuite les internautes à faire un don, ou à acheter les compléments alimentaires, le matériel de survie ou les accessoires pour armes à feu qu'il vend sur son site et qui - autant que ses mensonges - ont contribué à bùtir sa fortune.

L'homme des "fake news"

Alex Jones a beau avoir un empire (estimĂ© en aoĂ»t par un économiste judiciaire au maximum Ă  270 millions de dollars), il n'a pas assez d'argent pour payer la sentence. Et de toute façon il a opportunĂ©ment organisĂ© son insolvabilitĂ© : il a mis en faillite sa sociĂ©tĂ© mĂšre, Free Speech Systems - ce que les familles des victimes de Sandy Hook ont contestĂ© devant les tribunaux comme une manoeuvre pour Ă©viter de payer des dommages et intĂ©rĂȘts.

C'est un homme qui ne se taira pas. Alex Jones a joué un rÎle dans la diffusion de pratiquement tous les mensonges qui ont fait la Une des journaux au cours de la derniÚre décennie, le Pizzagate (un présumé trafic d'enfants organisé par les démocrates dans une pizzeria de Washington), la "théorie du grand remplacement" (qui a déclenché des violences néonazies meurtriÚres à Charlottesville, en Virginie), les contre-vérités sur le Covid et la présidentielle de 2020. 

Alex Jones fait maintenant l'objet d'un examen minutieux de la part du ministÚre de la Justice et de la commission du 6 janvier de la Chambre des représentants pour son rÎle dans les événements liés à l'insurrection du Capitole du 6 janvier, qu'il a d'ailleurs diffusés en direct.

Une condamnation sans effet ?

Son soutien inconditionnel à l'ancien président Donald Trump, qui est apparu dans son émission alors qu'il était candidat républicain à la présidence, a fait passer Alex Jones de la frange extrémiste au centre de la politique républicaine de l'Úre Trump.

De la mĂȘme maniĂšre que la fusillade de Sandy Hook n'a rien changĂ© sur la question du contrĂŽle des armes Ă  feu, aujourd'hui, prĂšs 20% d'AmĂ©ricains pensent que les fusillades de masse mĂ©diatisĂ©es sont des "fake news" organisĂ©es par le gouvernement. En partie Ă  cause de lui. Sa condamnation ne changera pas leurs croyances. Au contraire. Comme le principal intĂ©ressĂ©, qui a dĂ©clarĂ© pendant le procĂšs que ces poursuites judiciaires Ă©taient un effort de l'"État profond" pour le rĂ©duire au silence. 

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