En Pologne, la démonstration de force de l'opposition pour déloger les ultra-conservateurs au pouvoir
C'était un véritable raz-de-marée ensoleillé de drapeaux polonais et européens, des manifestants de toutes les générations venus des quatre coins du pays. Avec, en tête de cortège, derrière une immense banderole rouge et blanche, l'europhile et libéral Donald Tusk, patron du principal parti d'opposition, Plateforme civique, qui se verrait bien Premier ministre après les législatives programmées cet automne.
Donald Tusk a déjà dirigé le gouvernement de 2007 à 2014 (deux mandats) avant de prendre la tête du Conseil européen. À ses côtés, une légende de l'histoire polonaise : Lech Walesa, 80 ans cette année, prix Nobel de la paix, leader de Solidarność qui s'était éloigné de la scène politique et qui revient dans l'arène. J'ai attendu "patiemment" dit-il, le jour où le parti nationaliste et son leader Jaroslaw Kaczynski devront s’en aller : "On est venu vous chercher. Ce jour est bien arrivé".
Un bon lancement de campagne
L'opposition – qui ne lésine pas sur les symboles – compare d'ailleurs l'enjeu de son combat actuel à celui des années 80 contre le communisme. Même la date de la manifestation est un rappel historique : dimanche 4 juin, la Pologne fêtait l'anniversaire de ses premières élections partiellement libres, le 4 juin 1989, quand Solidarność – à la surprise générale – a fait tomber le Parti communiste et précipité la chute du communisme dans toute l'Europe.
Donald Tusk ne pouvait rêver meilleur lancement de campagne avec le ralliement de partis qui ont mis de côté leurs divergences et une Pologne fortement mobilisée qui ne manifestait plus du tout depuis trente ans.
Le mot d'ordre du rassemblement ? Protester contre "la vie chère, l’escroquerie et le mensonge" et se prononcer en faveur de "la démocratie, des élections libres et de l’Union européenne ".
En gros, pour toute une partie de la société, dire le ras-le-bol des ultraconservateurs du parti Droit et justice, le PiS, son chef Jaroslaw Kaczynski et ses alliés, au pouvoir depuis huit ans, qui sapent méthodiquement les acquis de la démocratie. Leurs atteintes répétées à l'État de droit leur ont valu des relations tumultueuses avec Bruxelles. Attaques contre le système judiciaire, la communauté LGBT, les droits des femmes. Un exemple : en mars, une activiste qui avait fourni une pilule abortive à une femme enceinte a été condamnée à huit mois de travaux d'intérêt général.
La commission d'enquête au cœur de la colère
Mais ce qui a surtout galvanisé l'opposition, c'est l'entrée en vigueur la semaine dernière d'une commission d’enquête visant à faire la lumière sur "l'influence russe" dans la politique nationale. Une manœuvre grossière destinée en réalité à écarter les opposants, au premier rang desquels Donald Tusk, devenu la bête noire du pouvoir - au motif que son gouvernement a signé des contrats gaziers avec la Russie de Vladimir Poutine.
Washington et Bruxelles ont exprimé leur profonde inquiétude sur une mesure visiblement anti-constitutionnelle. Quelques jours plus tard, après avoir validé le texte, le président Andrzej Duda a proposé des amendements pour calmer le jeu. Sans succès.
Une course au coude-à-coude
Malgré cette démonstration de l'opposition hier, le parti "Droit et justice" reste en tête dans les sondages. Sa popularité tient notamment au fait qu'il a augmenté sans compter les dépenses sociales, allocations familiales, treizième, et même quatorzième mois aux retraités. Et puis le gouvernement s'est positionné très tôt en faveur de l'Ukraine contre Moscou. La Pologne est même devenue un pilier de l'alliance occidentale, ça lui a donné du crédit.
Toutefois d'après les sondages, ni le PiS ni la Plateforme civique ne sont en capacité d'obtenir assez de voix à eux seuls pour former un gouvernement. Il reste quatre mois de campagne. Tout va dépendre de la campagne du PiS, qui dispose de financements publics quasi illimités et a transformé les médias publics en organes de propagande.
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