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En Hongrie, le gouvernement veut tenir les mineurs éloignés des représentations de l'homosexualité

Sous couvert de protection de l'enfance, une loi vient d'être adoptée par le Parlement hongrois.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des manifestants ont protesté le 14 juin 2021 devant le Parlement hongrois à Budapest contre une loi visant à interdire la "promotion" de l'homosexualité. (GERGELY BESENYEI / AFP)

La loi adoptée mardi 15 juin par le Parlement - malgré le boycott  d'une grande partie de l’opposition - s’affiche comme une loi globale de protection de l’enfance. En réalité elle vise surtout à éloigner les plus jeunes de toute représentation possible de l’homosexualité. Dès qu’elle sera promulguée par le président, il n’y aura donc plus aucune mention de l'homosexualité dans les livres pour enfants et les manuels scolaires et surtout plus d’intervenant extérieur sur ce thème au collège ou au lycée, où les cours d’éducation sexuelle ne seront plus dispensés que par des associations agréés par l’État.

Interdiction aussi de parler homosexualité ou changement de genre à la télé avant 22 heures. Autant dire que des séries comme Friends ou des films comme Billy Elliot risquent de se retrouver relégués en deuxième partie de soirée, ce qui ne sera pas compliqué à appliquer dans un pays où la grande majorité des médias sont entre les mains du pouvoir.

Interdiction enfin pour les entreprises d’exprimer leur solidarité avec les LGBT : ce point précis est une petite vengeance. En 2019, Coca Cola avait fait sa pub dans les rues de Budapest avec des affiches montrant des couples d’hommes ou de femmes en train de s’embrasser et ce slogan : zéro sucre, zéro discrimination. Une campagne qui n’avait pas du tout plu aux députés du très conservateur parti au pouvoir, le Fidesz ; il s’assure aujourd’hui avec cette loi que ça ne se reproduira pas. 

Une législation de plus en plus dure contre les LGBT

Le Fidesz est depuis longtemps en guerre contre les homosexuels : au fil des ans, le gouvernement de Viktor Orban n’a cessé de durcir la législation, alors qu’avant son arrivée au pouvoir la Hongrie était un pays très progressiste, qui avait reconnu dès 1996 l’union civile entre conjoints de même sexe. Il n’a cessé de stigmatiser les homosexuels, souvent comparés aux pédophiles.  

En novembre, il est même allé jusqu’à modifier la Constitution pour y inscrire noir sur blanc qu’en vertu des "valeurs chrétiennes traditionnelles" dans une famille, le père est un homme et la mère une femme. Point.

S’il en remet une couche aujourd’hui c’est parce que l’an prochain il y a des législatives en Hongrie ; pour la première fois depuis longtemps, elles s’annoncent très disputées. En ciblant les LGBT, Viktor Orban revient (comme avec la question des migrants) aux fondamentaux qui cimentent son électorat ultraconservateur.

Un affront aux valeurs européennes

Aux États-Unis, où les droits des LGBT sont désormais une priorité du président démocrate Joe Biden, une porte-parole du département d'État a dit l'"inquiétude" des autorités américaines pour "la liberté d'expression" et estime que ces nouvelles restrictions "n'ont pas leur place dans une société démocratique".  

L'eurodéputée française Gwendoline Delbos-Corfield (Les Verts), rapporteure du Parlement européen sur la situation en Hongrie, déplore de son côté "un affront aux valeurs européennes" : "utiliser l'argument de la protection de l'enfance comme prétexte pour cibler les personnes LGBTIQ est pervers, contre-productif et dangereux pour toutes et tous". 

Ces nouveaux amendements "vont stigmatiser davantage encore les LGBT, les exposant à une plus grande discrimination dans ce qui est déjà un environnement hostile", a commenté dans un communiqué le directeur d'Amnesty International en Hongrie. Plus de 5 000 personnes d’ailleurs ont manifesté lundi à Budapest, déployant un grand drapeau arc-en-ciel devant le Parlement.

La Hongrie, membre depuis 2004 de l'Union européenne dont la charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle, est régulièrement accusée par Bruxelles d'atteintes à l'État de droit. Cette loi, qui n’est pas sans rappeler les lois russes de 2013 contre la "propagande gay", éloigne un peu plus encore la Hongrie des valeurs européennes. Et la rapproche un peu plus de Moscou.

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