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En Colombie, Francisco, jeune militant écologiste de 11 ans menacé de mort

En Colombie, un garçon de 11 ans, militant écologiste, est menacé de mort sur les réseaux sociaux. Même le président s'en indigne.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Francisco Javier Vera Manzanares. Militant écologiste colombien de 11 ans. (CAPTURE D'ECRAN FACEBOOK)

Dans son pays, Francisco Javier Vera Manzanares possède déjà une vraie notoriété. Petit bonhomme joufflu aux jolies fossettes, équipé de grosses lunettes aux verres épais, Francisco a grandi à Villeta, dans les montagnes, à une centaine de kilomètres de Bogota. C'est là que s'est développée sa conscience écologique.

Il y a deux ans, avec quelques copains de l'école primaire, Francisco fonde "Les citoyens pour la vie" (Ciudadanías Para la Vida) et défile en centre-ville, avec banderoles et mégaphone, pour alerter sur le changement climatique.

Son groupe compte aujourd'hui plus de 200 membres en Colombie, au Mexique et en Argentine. Il a rejoint le mouvement mondial des "Vendredi pour le climat" (Fridays For Future) lancé par l'activiste suédoise Greta Thunberg.

L'exploitation minière, un sujet explosif

Francisco commence ensuite à poster des vidéos sur les réseaux sociaux, d'abord pour parler du recyclage, puis pour dénoncer l'exploitation minière, synonyme en Colombie d'expropriations, de pratiques illégales et de bandes armées. 

Dans cette vidéo, publiée en juillet 2020, Francisco demandait déjà plus "de tolérance et de respect" vis-à-vis de ses prises de positions : 

Nous, les jeunes, bien sûr on fait des vidéos TikTok, mais on est aussi capables de dire ce que l'on pense des grands sujets de notre époque

Francisco Vera, 11 ans, militant écologiste

"Nous ne sommes pas seulement l'avenir. Nous sommes déjà touchés par les décisions que prennent les adultes", dit-il.  Le message est clair : je ne suis qu'un petit garçon et j'en ai bien conscience. Mais j'ai le droit d'avoir une opinion.

Menaces de mort sur Twitter

Francisco finit par gêner. On l'accuse, avec violence souvent, d'être instrumentalisé, on dit qu'il est trop jeune, qu'il ne sait pas de quoi il parle. Jusqu'à des menaces de mort, proférées sur Twitter de manière anonyme : c'était le 15 janvier, moins de 24 heures après la publication d'une vidéo où Francisco demandait au gouvernement d'améliorer les connexions internet pour les enfants contraints de faire l'école à distance en raison du confinement.

L'épisode, médiatisé, suscite une vague d'indignation. Des personnalités du monde de la politique et du spectacle prennent la défense de Francisco. Le chef de la police promet une récompense de 10 millions de pesos (environ 2 300 euros) pour toute information permettant d'arrêter les coupables.

"Un acte inadmissible" pour le président colombien

Il faut dire que le président colombien, Ivan Duque, met la pression, en promettant publiquement de retrouver les "bandits" responsables d'un "acte inadmissible". L'enquête est toujours en cours.

Francisco reçoit aussi en main propre de la part d'une émissaire de l'ONU une lettre de Michelle Bachelet, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, le félicitant pour son travail de pionnier. 

"Le monde a besoin de plus de jeunes comme vous avec leur passion pour protéger la planète, écrit-elle. Nous convenons également avec vous que la connectivité internet doit être améliorée pour les garçons et les filles du monde entier."

Des militants colombiens réduits au silence

La réalité, c'est qu'en Colombie les violences contre les militants de l'environnement ou des droits de l'homme sont en augmentation constante. En 2019, selon l'ONG britannique Global Witness, 64 d'entre eux ont été assassinés. Notamment des dirigeants communautaires opposés à l'exploitation minière ou à l'agro-industrie.

Des chiffres qui font de la Colombie le pays le plus dangereux pour les défenseurs de la cause environnementale, en raison des groupes armés qui se disputent le contrôle du trafic de drogue et de l'exploitation minière illégale. Les menaces de mort comme celles que Francisco a reçues sont courantes. Souvent impunies.

Le petit garçon, du haut de ses 11 ans et de son imperturbable confiance, a (évidemment) promis qu'il n'abandonnerait pas. Il écrit sur Twitter : maintenant "je comprends en partie pourquoi il est si difficile d'essayer d'aider ce pays. Mais je continuerai à mettre mon statut de citoyen au service de la vie." Avec un émoticône en forme de poing levé.

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