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Crise des migrants à la frontière américano-mexicaine : les pièges de la politique de Joe Biden

Aux États-Unis, Joe Biden doit se défendre d'être trop laxiste avec les migrants qui passent la frontière avec le Mexique. Exception faite du coronavirus, le nouveau chef de l'État affronte la première crise sérieuse de sa présidence.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le mur à la frontière Entre les USA et le Mexique à Tijuana (Mexique). (GUILLERMO ARIAS / AFP)

Il paie le prix de sa politique, plus humaine, mais aussi de ses discours, plus accueillants que ceux de son prédécesseur. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, Joe Biden a suspendu le financement du mur prévu à la frontière, appliqué un moratoire de 100 jours sur les expulsions de sans-papiers et commencé à admettre des demandeurs d’asile qui depuis des mois patientaient dans des camps au Mexique. Autant de mesures qui ont été interprétées comme un feu vert par les candidats à l’immigration et les réseaux de passeurs. Résultat, l'administration américaine est débordée et le gouvernement fait tout pour rectifier le tir, au moins dans les mots.

"La frontière est fermée, nous expulsons"

Le ministre de la sécurité intérieure, lui-même fils de réfugiés cubains, a fait le tour des plateau télé dimanche 21 mars. Avec toujours le même message, martelé en anglais et en espagnol depuis la semaine dernière : "Non, la frontière n'est pas ouverte. Nous expulsons les familles et les adultes clandestins".
Même Joe Biden a lancé cet appel mardi sur ABC : "Ne venez pas aux États-Unis".

Mais en février, plus de 100 000 personnes ont été arrêtées par les gardes-frontières, 28% de plus qu'en janvier. Un nouvel afflux est attendu en mars, le plus important depuis 20 ans.

15 000 mineurs isolés

Aujourd'hui les enfants ne sont plus séparés de leur parents. Joe Biden s'est engagé à mettre un terme à une pratique qu'il avait qualifiée de "honte morale".
Mais toutes les familles ne sont pas encore réunies et surtout les États-Unis sont confrontés à une arrivée sans précédent de mineurs isolés. Ils sont aujourd'hui 15 000 sur le territoire américain, bien au-delà du pic enregistré sous la présidence Trump.

Les capacités d’hébergement sont insuffisantes ; un tiers de ces enfants sont retenus dans des centres destinés aux adultes, parfois depuis plus de dix jours, alors qu'ils devraient y rester trois jours maximum selon la loi avant d'être placés en familles d'accueil.

Le vaccin, monnaie d'échange ?

Les États-Unis ont demandé à Mexico de maîtriser le flux de migrants. En échange d'une livraison de doses de vaccin ? Au même moment, le président américain annonce en effet qu'il va "prêter" des doses d'AstraZeneca au Canada et au Mexique (2,5 millions), ce vaccin n'étant pas encore autorisé sur le territoire américain.

Pour le journal mexicain El Universal,  il s'agit bien d'une "monnaie d’échange", d'un "troc entre Andres Manuel Lopez Obrador et Biden" . La Maison Blanche botte en touche : "Les discussions sur les vaccins et la sécurité frontalière sont 'sans rapport', mais 'se chevauchent'", dit le New York Times.

Sur le plan intérieur, cette crise migratoire n'est pas loin de devenir une crise politique : Joe Biden est accusé par les républicains, mais aussi par certains démocrates, d'avoir créé un appel d'air, de faire peser des risques sur la sécurité des États-Unis.

"Je viens de quitter le centre de traitement des frontières, dit Chris Murphy, le sénateur du Connecticut, dans un tweet publié vendredi 19 mars. Des centaines d'enfants entassés dans de grandes pièces ouvertes (...) J'ai retenu mes larmes alors qu'une jeune fille de 13 ans sanglotait de façon incontrôlable en expliquant, par l'intermédiaire d'un traducteur, à quel point elle était terrifiée d'avoir été séparée de sa grand-mère et sans ses parents."

Les soutiens de Joe Biden, eux, rappellent qu'il faudra du temps pour revoir de fond en comble une politique migratoire dévastée par Donald Trump.

Trump dans la brèche

L'ancien président s'est évidemment engouffré dans la brèche: "En l'espace de quelques semaines", dit-il dans un communiqué, "l'administration Biden a transformé un triomphe national en désastre national." Même si le gouvernement refuse pour l'instant d'employer le mot "crise", Joe Biden n'a pas exclu ce dimanche de se rendre prochainement à la frontière mexicaine si la situation perdure.

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