Après 27 ans de tensions, la France et le Rwanda prêts à une réconciliation
Emmanuel Macron reçoit en ce moment le président rwandais dans le cadre du sommet sur l’économie africaine. Les deux hommes semblent prêts à écrire une nouvelle page de l'histoire entre les deux pays.
La relation entre la France et le Rwanda est entaillée depuis les années 90. Il est difficile, voire impossible de parler de Paris et de Kigali sans parler du génocide des Tutsis de 1994 qui a fait 800 000 morts et du rôle de la France de l'époque. Les mémoires françaises et rwandaises ne se sont jamais réconciliées.
Mais après 27 ans de tensions, les deux pays semblent prêts à tourner la page. Après un entretien avec Emmanuel Macron, Paul Kagamé s'est confié à plusieurs médias français. Il n'est pas question "d'oublier, souligne le président rwandais, mais de pardonner", les mots sont forts. France et Rwanda ont désormais "l’opportunité de bâtir une bonne relation".
Comment expliquer ce changement d'attitude entre les deux pays ? Chacun a fait un pas vers l'autre. D'un côté, Emmanuel Macron est sorti du déni. La France a longtemps fermé les yeux sur ses responsabilités lors du génocide, surtout sous François Mitterrand où une véritable chape de plomb avait été posée sur cette période. Les historiens parlent même "d'aveuglement". Même si Nicolas Sarkozy avait évoqué, en 2010, les "erreurs politiques" de la France, Emmanuel Macron a été le premier à demander un rapport sur le rôle de la France au Rwanda dans les années 90. Et ce rapport Duclert, rendu en mars, a été le tournant. Il a ouvert la voie à la réconciliation. Les historiens qui l'ont réalisé ont conclu aux responsabilités "indéniables, lourdes et accablantes" de Paris. Le document de plus de 1 000 pages souligne "la faillite de la France" car les autorités françaises ont soutenu le régime "raciste, corrompu et violent" du président hutu Juvénal Habyarimana, proche de François Mitterrand. Le rapport juge également que la France a "réagi tardivement" avec l'opération militaro-humanitaire turquoise, lancée en juin 1994. Si celle-ci, explique le rapport, "a permis de sauver de nombreuses vies", elle n'a pas permis de sauver "la très grande majorité des Tutsis du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide." La complicité de génocide n'a toutefois pas été retenue.
De l'autre côté, Paul Kagamé, a commandé un rapport (Muse) qui considère que la France a eu une part "active" dans le génocide des Tutsis. Pour le président rwandais, ces deux rapports convergent. Il a donc accepté de renoncer à certaines demandes : "Je peux m’accommoder des conclusions de ce rapport [Duclert]", même si la “complicité” de la France a été écartée. Il qualifie les conclusions des historiens français de "grand pas en avant."
Emmanuel Macron au Rwanda
Pour consolider cette nouvelle relation, Emmanuel Macron a annoncé se rendre au Rwanda le 27 mai. Il devrait prononcer un discours que l'Elysée promet "majeur". Va-t-il prononcer des excuses ? Le Monde a posé la question à Paul Kagamé lundi 17 mai : "Je laisse au président Macron le choix des mots. Des excuses ne peuvent pas venir à la demande." On voit bien que le Rwandais laisse diplomatiquement le choix au Français mais que le message attendu doit être à la hauteur.
"Normalisation, approfondissement de la relation ", dans les équipes de Kagamé, comme dans celles d’Emmanuel Macron, tout indique qu'ils empruntent ensemble un nouveau chemin. D'ailleurs un ambassadeur de France devrait être nommé à Kigali, le poste est vacant depuis 2015. Reste un épineux dossier : les présumés génocidaires qui vivent actuellement en France. L’année dernière, le financier présumé du génocide, Félicien Kabuga, a par exemple été arrêté en banlieue parisienne. "C’est un bon début", pour Paul Kagamé. Il aurait espéré plus, "un certain nombre de présumés génocidaires vivent en France" et "leurs cas n’ont pas été traités correctement."
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