Le monde de Marie. En Russie, un bouleversant témoignage sur la vie quotidienne au goulag
Tous les jours, Marie Colmant revient sur un fait passé (presque) inaperçu. Mercredi, la publication des carnets d'une détenue du goulag en Sibérie.
C’est un livre unique qui a été découvert il y a quelques années par une journaliste russe. Unique et anonyme. Après plusieurs années d’enquête, elle a retrouvé le nom de l’auteur
C’est une histoire qui remonte à 2009. Un jour de février, où une journaliste russe Zoya Eroshok qui travaille pour l’hebdomadaire d’opposition Novaya Gazeta (pour mémoire, c’était le journal d’Ana Politkovskaia) recoit un petit carnet de cuir qui contient une centaines de pages, 115 exactement de dessins, de légendes, de réflexions philosophiques. Ce carnet, c’est une de ses lectrices de Sibérie qui lui adresse et qui précise que le carnet, écrit par une certaine Olga, sans nom de famille, lui a été remis par une ancienne prisonnière détenue dans un goulag sibérien. C’est bien de cela qu’il s’agit, le livre est un journal, un carnet de bord de la vie quotidienne dans un goulag stalinien. Ecrit au goulag. Ce qui fait une grande différence avec les autres livres sur le sujet, L’Archipel du goulag d’Alexandre Soljenitsyne par exemple, a été écrit après la libération de son auteur.
Un carnet de bord de l'horreur
Le petit carnet de cuir est à ce titre un acte de courage notable, car posséder du papier et un crayon au goulag pouvaient valoir une exécution. Mais tenir un journal, au jour le jour pendant deux ans, c’est mission impossible. Et pourtant, Olga l’a fait de 1941, première date mentionnée sur les carnets, jusqu’à fin 1942.
Bouleversée par ce témoignage, la journaliste de Novaya Gazeta plonge dans les archives pour retrouver Olga et parvient à retrouver une femme à cette date là dans ce camp, Olga Krasnitskaïa. Elle multiplie les courriers sans réponse. Frustrée, elle raconte l’histoire dans son journal, et l’article tombe sous les yeux d’une immigrée russe en Israël, qui reconnaît sa tante. Encore plus fou, le patron des archives du FSB retrouve le dossier de cette Olga Krasnitskaïa, son arrestation pour espionnage en 1937, au cœur des méga purges staliniennes, et sa condamnation à cinq ans de camp. Le livre d’Olga Krasnitskaïa sera exposé au musée de l'histoire du goulag de Moscou, à quelques centaines de mètres du Kremlin. Sacrée vengeance.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.